
Le Royaume éveillé

Autrice bolivienne vivant aux États-Unis Liliana Colanzi est considérée comme une des étoiles montantes de la littérature bolivienne, elle propose avec Nuestro mundo muerto huit nouvelles qui sont autant de fenêtre sur l’humain et ses réactions. Les situations décrites sont profondément marquées par les origines boliviennes de l’autrice (lieux, personnages et vocabulaires)
« Meterorito » est le croisement d’une famille paysanne bolivienne qui a recueilli un jeune homme qui prétend voir des « êtres supérieurs » et une météorite qui tombe sur terre. Une nouvelle avant tout très humaine.
« Canibal » deux jeunes femmes boliviennes sont sur Paris, elles s’aiment, elles trafiquent, l’une s’en va, l’autre se pose des questions pendant qu’un cannibale en fuite est à Paris. Rien de gore dans cette nouvelle, mais l’autopsie d’une histoire d’amour sur le point de sombrer.
« Chaco » une nouvelle sur un jeune homme de cette région désertique de la Bolivie qui est hanté par le fantôme d’un indien.
« Nuestro mundo muerto » suit les premiers colons de le planète mars, une histoire de choix, de solitude, de maladie et de folie…
« Cuento con pájaro » mutliplie les points de vu sur un médecin ayant fait une bêtise et se cachant « à la campagne ».
Au final Nuestro mundo muerto est peut-être plus un recueil de nouvelles sur l’expérience humaine que sur l’imaginaire; il ne reste pas moins que ces textes bien écrits sont autant d’instantanés fascinants à lire et à contempler sur la nature humaine.
Borne est un roman écrit à la première personne par Rachel, une jeune femme qui survit comme elle peut dans une cité au nom inconnu, probablement nord-américaine, dans un futur proche.
Dernière nouvelle de Jeff Vandermeer,
La vie est rendu difficile par l’effondrement des gouvernements face aux montées des conflits et des changements climatiques. La ville elle même était sous le contrôle de « La Compagnie » qui inondait le marché de créatures bio-manufacturées. La Compagnie ne contrôle maintenant plus rien, des créatures bio-artificielles peuvent se trouver en liberté dans la ville ou la nature, polluée, environnante et un ours géant, Mord, intelligent, pouvant voler contrôle de manière lâche la cité en envoyant ses proxys terrorisé la population.
C’est dans ce contexte que Rachel, et son compagnon un dealer ancien de La Compagnie, survivent du mieux qu’ils peuvent. Lorsque Rachel découvre Borne, une créature bio artificielle pouvant changer de forme et intelligent, et l’éduque pendant quelques temps leurs destins et celui de la ville est sur le point de changer. Coincés entre les manigances du Magicien, en lutte contre Mord, les dangers de la ville, les secrets de La Compagnie et Borne, les choses vont changer pour tous le monde….
Borne est un roman étrange, situé dans un futur où le familier côtoie l’étrange, avec une intrigue haletante. Une très bonne lecture…
Cela donne, en tous cas avec ce premier cru « nouvelle formule », une anthologie qui perd un peu en unité, les auteurs parcourant plus de sous genre de l’imaginaire et le thème étant d’avantage propice à interprétation, mais qui reste de très grande qualité.
Sur les nombreux textes du recueil, tous d’excellente facture, il y a deux novelas : « Le roi cornu » de Stefan Plateau qui nous plonge avec plaisir dans le passé lointain du Sentie des Astres et « Jehan de Mandeville, Le livre des merveilles du monde » de Fabien Cerutti qui, suivant un voyage en Chine de Jehan de Mandeville, donne une piste forte sur le devenir des êtres magiques dans l’univers de Kosigan.
Sur les nombreux textes, deux autres m’ont particulièrement marqué :
« Hoorn » d’Estelle Faye, des fragments de journaux de bord de l’équipage d’un vaisseau spatial en direction d’un autre monde; le texte est excellent et sans doute un des meilleurs que j’ai lu cette année.
« Une forme de démence » de Lionel Davoust qui suit la fin de vie d’un universitaire, écrivain, dont le monde fantastique a ouvert de nouvelles portes dans les littératures de l’imaginaire. Un hommage à Tolkien, et autres maîtres du genre, qui questionne la réalité de nos rêves.
Au final, Destinations est une réussite; en attendant la prochaine anthologie, je regrette juste l’absence de textes des auteurs étrangers, non francophones, invités….
Nouveau recueil de Léa Silhol, 340 mps (la vitesse du son) propose neuf textes, dont six inédits, autour du thème de l’obsession. Les divers textes contiennent peu de créatures de fantasy (on y croise néanmoins quelques Fays, les gardiens des portes, …) mais beaucoup d’humanité. C’est en effet au cœur d’un des éléments qui nous constitue que Silhol va recherche le moteur de ses personnages et de ses histoires.
D’obsession il est donc question : obsessions pour les objets, pour les gens pour les sensations, c’est le tour de ce sentiment obsédant qu’il est question ici. Les textes sont, comme toujours, très bien écrits et prenants (au cœur, à l’esprit et aux tripes). Une mention d’ailleurs particulière pour le choix des textes, Léa Silhol a été anthologiste et cela se ressent dans ses recueils dont la construction est toujours murement réfléchies; cela se sent et cela donne une plus values au recueil bien au delà des textes pris individuellement.
Je suis fan des écrits de Silhol, cela doit se voir sur ce blog, mais rarement ses textes m’auront donné le sentiment de parler aussi de moi (ou en tous cas d’une partie de moi).
Le recueil s’ouvre pas un court texte coup de poing (« Wild ») dont je ne dirais rien de plus; il faut juste le lire !
« The Cat & the Choker », déjà publié en revue auparavant, est centré sur un membre de la famille des Usher, les gardiens des portes, qui part à la recherche, dans la grande maison familiale, d’un magnifique bijou qui apporte beauté à celle qui le porte, mais qui est aussi une sentence de mort. Un très beau texte sur le prix de l’obsession.
« Sous l’Aiguille » est un court texte qui mêle tatouage, magie, amour et vengeance. Déjà paru, il y a près de 16 ans, dans la revue Elogy, le texte est plaisant.
« Traverser sous les Roues des Voitures » est un texte qui prend aux tripes sur les choix de vie, l’admiration pour un artiste et ce que cela représente dans une vie. Un texte pour lequel, une fois encore, je perçois des échos atténués, et un peu distordus, de mes propres sentiments.
« Faiseurs d’Étoiles » suit une jeune auteure qui tombe sous la coupe d’un éditeur parisien qui, sous prétexte d’en faire une nouvelle star littéraire, abuse d’elle et lui fait écrire un roman qui n’a plus rien d’elle. Une victime lucide mais en partie consente, des personnages pour qui toutes ressemblances avec des personnes existants ne peut-être que fortuites (et lointaine), un texte mordant.
« Winter Wonderland INc » est la dernière réédition de ce recueil, un jeune homme se retrouve engagé comme Le père Noël : bonne paye, travaille au pôle nord, mais tant de secrets….
« Le Dernier des Dark Boys » voit une femme parler de son tatouage à une ado et de là déroulé le fil de sa vie amoureuse avec son dernier « Dark boy » et comment cela a marqué sa vie. Une nouvelle où le lecteur pourra apercevoir frontière et vivre à nouveau ses tourments amoureux de l’adolescence dans tous ces excès mais aussi dans la manière dont cela nous marque. Une nouvelle fois une nouvelle qui a trouvé chez moi un écho, de manière assez surprenant en fait tant c’est éloigné de ma propre histoire…
« Arena » est une conversation entre un ange et une humaine qui se rappel la construction du temple de Jérusalem. Si c’est la nouvelle qui m’a le moins parlé et plus du recueil, elle le conclut assez logiquement.