TysT de Luvan

Roman de fantasy bretonne / celtique de Luvan, Tyst se déroule dans un futur (?) proche après une troisième guerre mondiale qui a eu pour effet la fermeture des frontières. La narratrice du récit est une musicienne bretonne qui partage son temps entre notre monde (pas souvent) et le monde de la féerie. Elle se lance dans une quête qui va la mener à une menace pour tous le monde, à se (re)trouver et à, peut-être, changer jusqu’à l’histoire de notre monde…

TysT est un roman au abord un peu déconcertant dans sa narration entre onirisme et anticipation, mais avec la lecture vient la compréhension de cet univers construit en différentes strates entre rêve et éveille. Le tout forme finalement un roman féerique mélancolique et poétique d’une grande finesse.

Los peligros de fumar en la cama de Mariana Enriquez

Proposant douze récits courts, fantastique, le recueil Los peligros de fumar en la cama de Mariana Enriquez est proche dans sa structure, sa thématique et ses récits que le recueil Las cosas que perdimos en el fuego.

Les récits courts ont ici aussi comme points communs le fantastique, le fait de se dérouler en Argentine (et pour beaucoup à Buenos Aires), des protagonistes féminins et des fins assez abruptes et sans épilogues.

Les textes sont bien écrits et se lisent avec plaisir, mais le sentiment persistant de lire des ébauches de récits plus larges en attente de développement finit par me lasser. Les deux meilleurs textes du recueil à mon goût son d’ailleurs les deux plus développés : « chicos que faltan » sur des jeunes disparus qui réapparaissent dans divers parc de Buenos Aires et « cuando hablámos con los muertos » sur un jeu d’adolescentes, des morts et les disparus de la dictature.

Eutopia de Camille Leboulanger

Gros roman (600 pages) de Camille Leboulanger, Eutopia est à la fois un récit de vie et une utopie solarpunk (une vision du future plus lumineuse du devenir de l’humanité).

Le lecteur est ainsi invité à suivre la vie de Umo, de sa plume, de sa naissance dans le petit village de Pelagoya jusqu’à sa vieillesse dans le village dont il est un des fondateurs. Sa vie est marquée par l’amour qu’il porte à Gob, une femme qu’il a rencontré enfant et dont le spectre de son amour et de leur histoire planera sur toute sa vie.

Le récit touche déjà là à quelque chose qui résonne en moi : la vie d’un individu, ce qui le marque et le façonne, et les choix qu’il fait. Mais le roman est aussi une chronique d’un autre monde possible. En effet, Eutopia se déroule dans un futur moyennent lointain où la mentalité de l’humanité à pas mal évolué par rapport à aujourd’hui.

Suite à la fin de la période « des camps » et la Déclaration d’Antonia, le monde est passé dans une logique non propriétariste et de décroissance. L’humanité se concentre dans des villes et des régions précises laissant une bonne partie du monde à la Nature. Les enfants sont élevés en commun et les besoins basiques de chacun sont assurés. Une organisation politique au croisement du communisme et de l’anarchisme s’est mise en place et le rythme de vie est « tranquille » (« nous avons le temps » étant un dicton souvent utilisé).

Eutopia est un roman servi par son écriture de qualité qui déroule la vie d’un homme dans une société qui ne met pas les priorités aux mêmes endroits que la notre. Bien que des esprits chagrins pourraient trouver le récit un peu longuet et la société de la Déclaration d’Antonia parfois un peu naïve (personnellement, mais je suis un pessimiste cynique, je suis beaucoup moins optimiste sur la nature profond de l’humain que l’auteur), Eutopia est un roman très agréable à lire et j’ai passé un excellent moment de lecture.

Golden Age de Fabrice Colin

Retour de Fabrice Colin au domaine de l’Imaginaire, Golden Age réunit plusieurs thèmes qui sont déjà apparus souvent dans l’œuvre de l’auteur : la féérie, la campagne anglaise, le début du XXe siècle, l’uchronie, les auteurs….

Golden Age se déroule en juillet 1914 dans un manoir du comté de Dorset dans le sud-ouest de l’Angleterre alors que des rumeurs de guerre se répandent. Une jeune femme se fait passer pour une journaliste afin d’approcher un célèbre écrivain (elle est en fait la maitresse de son fils). Au manoir elle découvre dans la tiédeur de l’été, la réunion d’un groupe d’écrivains sur le déclin qui cherchent à faire revenir leur muse et l’inspiration.

Roman uchronique (le monde de 1914 ressemble au notre mais plusieurs petits détails sont différents), Golden Age est avant tout une promenade champêtre légèrement onirique où se révèle peu à peu les secrets de familles et d’amitiés, le tout avec en arrière plein les rumeurs de guerre et le départ des féees.

Ce roman ne plaira clairement pas à tout le monde tant son intrigue semble parfois décousu, parfois se perdre dans des méandres et au final laisse plusieurs questions sans réponses. Mais l’écriture est belle et j’ai pris plaisir à me laisser bercer et mener au fil des mots.

Summerland de Hannu Rajaniemi

Audio-lu en anglais, mais paru en juillet dernière en français chez ActuSF, Summerland de Hannu Rajaniemi est un sympathique roman d’espionnage.

Le roman se déroule en 1938 à Londres dans la communauté du renseignement et contre-espionnage britannique. Mais le monde dans lequel il se déroule n’est pas totalement le nôtre : en effet la découverte, au tournant du XXe siècle, de l’existence de l’au-delà a permis à la fois le développement de technologies de communication avec les morts mais aussi le moyen de maintenir les âmes des défunts au service de son pays.

C’est dans ce contexte que Rachel Whiter, une agente du SIS apprend qu’une taupe des soviétiques (super puissance dirigée par une intelligence supérieure amalgame de millions d’âme) se trouve dans les services secrets du pays; dans la partie des âmes mortes qui travaillent dans les services secrets.

La taupe ayant des relations et Rachel étant une femme, elle se retrouve reléguée au service comptabilité et se lance dans une opération clandestine pour que la vérité éclate, le tout sous le bruit des bottes qui annonce une futur guerre internationale en Espagne.

Summerland est un roman d’espionnage et d’aventure qui se lit avec plaisir. Le rythme de l’histoire s’accélérant fortement sur la fin m’a donné la sensation d’un petit problème de rythme. La fin me semble d’ailleurs suffisamment ouverte pour qu’un second tome soit envisageable assez facilement. Au final, un roman d’uchronie fantastique très divertissant.

Textes courts de P. Djèlí Clark

Continuant mes lectures des écrits de P. Djèlí Clark, je me suis attaqué à plusieurs de ses textes courts (nouvelles, novelettes ou novellas).

« The Angel of Khan el-Khalili« , qui comme tous les textes ici sauf un (« Les tambours du dieu noir » qui est dans un autre « monde ») se déroule dans chronologiquement quelques temps avant les événements relaté dans Le maître des djinns , suit une jeune femme, presque une enfant, qui se rend dans le grand marché du Caire pour supplier un ange de faire un miracle pour elle. Ce qu’elle demande a un prix, la vérité, qui sera pour elle élevé. Un texte très mélancolique sur le prix de la rébellion et de la rédemption.

Dans « Le mystère du tramway hanté » les agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles Hamed Nasr et Onsi Youssey doivent enquêter sur une mystérieuse entité qui a décidé de prendre résidence dans un des trames aériens du Caire. L’exorcisme qu’ils vont devoir réaliser se révèlera au final bien compliqué et les feront visiter plusieurs communautés minoritaires du Caire, tous cela alors que le parlement égyptien est sur le point de statuer sur le droit de vote des femmes… Une enquête rythmée et fort sympathique.

Second texte d’un petit recueil (en français), « L’étrange affaire du djinn du Caire » lance l’enquêtrice Fatma el-Sha’arawi du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles sur les traces du meurtrier d’un djinn. Son enquête fera le voile sur une conspiration entre djinns et anges qui risque de changer, une fois de plus, le monde. Un texte percutant et mener tambours battants.

Le premier texte, « Les tambours du dieu noir » se déroule dans une Nouvelle-Orléans alternative, en 1880, entre steampunk et magie, une jeune voleuse de la ville va se retrouver au centre d’une conspiration pour relâcher la puissance des tambours du Dieu noir sur la ville. La voleuse, accompagnée d’un équipage corsaire d’un dirigeable, aura fort à faire pour sauver sa ville entre carnaval, dieux africains et intrigues politiques. Un texte fort dont la traduction bien exécutée rend justice aux langues créoles utilisées dans la version en langue anglaise.

The Sandman act III

Une année après avoir audio-lu les deux premières parties de l’adaptation audio du Sandman, je me suis jeté sur la troisième partie (sur probablement quatre vu ce qu’il reste du comics a adapté) dès sa sortie.

Adaptant deux arcs du comics (que je n’ai, je le rappel, pas lu) : Brief Lives et World’s End.

Le premier arc suit la quête de Morpheus et de Delirium à la recherche de leur frère disparu : Destruction. En plus de toucher à un mystère mentionné plusieurs fois auparavant, cet arc conclut l’histoire de Orphée, le fils de Morpheus.

World’s End se déroule dans une auberge à la croisée des mondes / dimensions où des voyageurs se retrouvent bloqués suite à une violente tempête. Pour faire passer le temps, les voyageurs se racontent des histoires de leur monde d’origine. A la fin de cet arc la raison de la tempête est esquissée et semble annoncer un acte IV très fort…

L’adaptation de Sandman dans son ensemble est brillante et les trois volets se retrouvent avec raison dans les meilleurs vente de Audible. Le plus dur maintenant est d’attendre la réalisation et sortie de l’acte final

Die de Kieron Gillen & Stephanie Hans

Je parle assez peu ici de comics et BD mais j’en lis en fait pas mal. Et de temps en temps je tombe sur une série qui est un niveau plus haut que « c’est sympa, je passe un bon moment », c’est le cas du comics Die, réunit en anglais dans quatre recueil.

Le pitch de base de Die pourrait se résumer par « le sourire du dragon mais en plus trash et adulte ». Le sourire du dragon est un dessin animé, sorti au début des années 80, qui propulsait un groupe d’ados dans le monde de Fantasy du jeu de rôle Dungeons & Dragons. Dans Die c’est un groupe d’ado, au début des années 90, qui se retrouve à vitre la même mésaventure : ils disparaissent durant quelques années et réapparaissent, sauf un, sur une route quelques années après. L’une a perdu son bras, tous sont clairement traumatiser par ce qu’ils ont vécus et ils sont incapables de raconter ce qui leur est arrivé. La vie reprend son court et de nombreuses années après, la réapparition d’un des dès qui les a fait disparaitre va les renvoyer vers un monde de Fantasy. Débute alors une quête pour comprendre pourquoi ils sont de retours, ce qui est arrivé à leur compagnon d’infortune qui n’est jamais revenu et comment rentrer à la maison.

De là l’histoire se développe entre traumas individuels et collectifs, rancunes anciennes et histoires présentes et passés, Die développe une histoire passionnante à la fois réflexion sur le jeux de rôle mais aussi sur l’impact de nos décisions passés sur notre présent. Chaque numéro du comics se termine par des réflexions sur la construction du comics et sur le jeux de rôle, il y a aussi des interviews, qui sont aussi passionnants à lire que instructifs. Bref Die est à mon avis un comics à lire, surtout si on fait / a fait du jeux de rôle.

Slaying the dragon de Ben Riggs

Slaying the dragon a secret history of dungeons & dragons est une enquête sur les coulisses de la création et de l’évolution de l’entreprise qui a sorti le premier jeu de rôle. Ben Riggs retrace, à l’aide de nombreux interviews qu’il a menés et documents qu’il a consultés, l’histoire de TSR (l’éditeur de D&D) de ses débuts en 1974 à son rachat par Wizards of the Coast en 1997.

Difficile de résumé en détail l’histoire de TSR ici présentée mais Riggs met en évidence certains errements de la direction de TSR tout en montrant aussi le foisonnement créatif et l’apport de cette entreprise aux jeux de rôle et à la culture populaire.

Slaying the dragon se lit avec gusto et éclaire de manière extrêmement intéressante l’histoire de D&D et du jeux de rôle. A titre personnel j’aimerai énormément un ouvrage similaire traitant de la période 1997 à nos jours.

Locklands de Robert Jackson Bennett

Troisième et dernier tome de la trilogie débutée avec Les Maîtres enlumineurs, Locklands se déroule plusieurs années après le second tome.

Les enjeux et le décors de ce dernier opus sont bien plus larges; l’auteur quitte la cité de Tevanne pour le vaste monde. Et le monde est en danger. L’entité enluminée pensante qui est né à la fin de Shorefall mène une guerre de conquête totale en transformant en esclave l’humanité. Seul deux forces semblent capables de lui tenir tête : le premier des Hiérophantes et la bande de Sancia, Berenice et Clef qui forme maintenant une nation nomade dont les membres sont liés par des enluminures.

Mais lorsque le premier des Hiérophantes est capturé par leur ennemi commun, Sancia, Berenice et Clef n’ont d’autre choix que de lancer une expédition presque désespérée au cœur des territoires qu’il contrôle afin de libérer et de tenter d’empêcher la réalité même d’être modifiée de manière définitive.

Locklands est une conclusion satisfaisante et haletante a une Fantasy qui, tome après tome, devient de plus en plus science-fictionnelle. Après, même si j’ai beaucoup apprécié ma lecture, je trouve que ce dernier opus perd en qualité et originalité ce qu’il gagne en enjeux et gravité.