Pourquoi le Patriarcat ? de Carol Gilligan & Naomi Snider

Quand deux psychologues se posent la question de savoir pourquoi le patriarcat existe encore et surtout de quelles manières ils s’imposent psychologiquement aux individus, cela donne Pourquoi le Patriarcat ?

L’ouvrage est très intéressant, bien que je l’ai trouvé parfois un peu complexe pour moi qui ne suis pas habitué aux ouvrages de psychologie. Je me suis lancé dans sa lecture après avoir écouter le très intéressant interview de Carol Gilligan dans le podcast Les couilles sur la table.

La thèse centrale de l’ouvrage c’est que le patriarcat s’impose aux hommes et aux femmes de manière légèrement différentes mais avec comme résultat le sacrifice de l’amour et de la capacité à nouer des relations véritables.

Pour les hommes, durant l’enfance, la patriarcat les coupes de leurs capacités à ressentir de l’empathie et certaines émotions. Cela se caractérise par l’érection d’une barrière entre eux et les autres car un homme ne doit pas montrer de faiblesses et établir de connexion véritable.

Pour les femmes, durant l’adolescence, le patriarcat leur impose de taire leur propre voix et les poussant à développer une logique empathique où le bien être des autres est plus important que leurs propre désirs et personnalités.

Pourquoi le Patriarcat ? est une lecture très intéressante qui permet de rendre visible ce que tout à chacun perdons dans le système patriarcale. C’est aussi un plaidoyer pour travailler sur cette perte afin de retrouver un peu de notre humanité et développer à nouveau nos capacités à établir des relations plus vraise, profondes et sincères.

Résister de Salomé Saqué

Journaliste que je trouve souvent très pertinente, Salomé Saqué livre avec Résister un essaie très intéressant, et sans doute nécessaire, sur la montée de l’extrême droite en France aujourd’hui. Résister a été conçu de manière à expliciter au maximum les sources de l’autrice afin de montrer que son propos s’appuient sur des faits et non pas seulement une posture idéologique de gauche.

Dans Résister, Salomé Saqué revient sur l’histoire et l’origine de l’extrême droite politique en France (et cela passe par les origines du FN/RN) mais aussi sur leur idéologie et les effets de leur politique là où elle a pu accéder au pouvoir (en France et ailleurs, hier et aujourd’hui).

Finalement, l’essaie propose quelques pistes afin de, justement, résister. Une lecture qui me semble primordiale aujourd’hui.

Vallée du Carnage de Romain Lucazeau

Alexandre trouve la mort au porte de la Perse, Hannibal conquiert Rome, les vikings s’installent durablement aux Amériques, les hordes de Gengis Khan ne déferlent pas sur l’Europe; de ces différents points de divergence naît une histoire différente de la notre dans laquelle les super-puissances qui aujourd’hui (ou plutôt dans un futur proche du notre) qui domine le monde sont Carthage (et ses valeurs de liberté et démocratie), la Perse (à la royauté hégémonique et conquérante) et les Han (dont les valeurs restent dans l’ombre, mais qui correspond à « notre » Chine).

Voila le contexte « historique » de Vallée du Carnage posé. Le point de départ de l’histoire narrée ? Un siège meurtrier de sept ans devant la cité d’Ecabatane qui devait être conquise en un temps record. Un conflit en l’Occident dominé par Carthage et la Perse décadente. Des technologies aux accents cyberpunk utilisées pour mener le conflit.

La narration en multiple point de vue qui prend à partie le lecteur en le mettant dans la peau du personnage suivi, un monde violent et décadent, une histoire sous forme de tragédie où l’écriture maitrisé et les réflexions morales et philosophiques sont omniprésentes. Tous ces éléments font de Vallée du Carnage un roman fort et prenant.

Je dois admettre que durant ma lecture j’étais un peu gênés en ayant du mal à mettre le doigt sur les raisons de ce sentiment. Ma lecture finit je pense que c’est du à plusieurs éléments. Le premier est la violence et l’immoralité des sociétés décrites, le second est l’impression que le lecteur est avant tous plongé « au cœur du mal » et que la société sensément plus civilisée de l’Occident carthaginois est somme toute peut décrite, et finalement sans doute le parallèle fort, et à mon avis inévitable, avec la guerre en Ukraine qui me met mal à l’aise.

Mais, mes divers réticences ne doivent pas occulter le fait que Vallée du Carnage est un putain de bon roman.

Tu devrais voir quelqu’un de Maud Le Rest

Au départ il y a un constat, à la fois personnel et confirmé par les statistiques française disponible sur la santé mental : les hommes ont beaucoup moins recours à la psychothérapie que les femmes.

A partir de là Maud Le Rest propose, avec Tu devrais voir quelqu’un, une réflexion en trois temps sur les raisons et les effets de cet état de fais. L’essai s’ouvre sur une réflexion sur ce qu’est la psychologie, ce que les hommes en savent et les effets que cette vision a sur les hommes et sur les femmes qu’ils cotoient.

La réflexion se poursuit sur une tentative d’explication du désamour des hommes pour la santé mentale. Elle prend la forme d’un constat : la masculinité valorisée par la société pousse les hommes à ne pas se connecter à leurs émotions, à valoriser des amitiés masculines basées sur la compétition et qui ne forment un espace où parler de sentiments. Ce « rôle » de care revient du coup aux femmes dont la socialisation les pousses à « prendre soin des autres » avec des conséquences sur leurs santés mentales à elles aussi.

Finalement, Le Rest met en avant plusieurs éléments socialisateurs qui exacerbent le problème : les normes de couple (et notamment le rôle de l’argent), le mythe de l’homme parfait et l’influence de la pop culutre.

Tu devrais voir quelqu’un est un essai très intéressant dont j’ai apprécié la lecture. La question de savoir si j’aurai été réceptif à ses arguments il y a quelques mois / années en arrière se pose, comme de savoir si ceux qui auraient besoin de le lire, les hommes, le liront.

Oh William! de Elizabeth Strout

Situé dans une série de romans (que je n’ai pas, pour le moment lu), Oh William! de Elizabeth Strout narre, à la première personne, une partie de la vie de la romancière Lucy Barton (dans la soixantaine au moment de ce roman).

Entremêlant des pans de son passé avec sa vie présente, Oh William! se concentre sur William, le premier mari de Barton avec lequel elle a eu deux filles, maintenant jeunes adultes.

William, septuagénaire qui en est à sa troisième femme, est ex-professeur et chercheur en biologie. Au moment du récit, il est sur le point de traverser deux crises : une nouvelle séparation et la découverte de l’existence d’une demi-sœur dont il ne savait rien.

Oh William! est fait de petits instants de vie, comme tout le monde en a connu, éclairés par des éléments du passé des protagonistes. Le tout forme un roman au rythme lent dans lequel il ne se passe rien d’extraordinaire. Pourtant, le talent de Strout se déploie et Oh William! sert de porte vers une multitude de réflexions sur ce les différents fils, visibles et invisibles, qui tissent nos vies et l’étoffe de nos êtres.

Un roman donc magistral aux couches de lecture nombreuses.

The Bright Sword de Lev Grossman

The bright sword s’inscrit dans la longue tradition de réécriture des récits arthuriens. Le roman propose, dans une Bretagne mythifiée (le code de la chevalerie côtoie l’invasion saxonne et un chevalier originaire du royaume de Bagdad) de se pencher sur l’histoire de Camelot de de la table ronde après la chute d’Arthur.

Le roman suit le jeune Collum qui se rend à Camelot dans l’espoir de rejoindre les chevaliers de la table ronde. Mais à son arrivée, il apprend la mort d’Arthur et de la plupart de ses chevaliers. Débute alors pour le jeune homme une aventure qui définira le futur de la Bretagne post-Arthur.

Lev Grossman convoque dans ce roman les seconds couteaux (Palomides, Dagonet, Nimue, etc) de la table ronde qui ont survécu à Arthur en leur proposant une quête après sa mort mais en revenant sur leurs passés également.

The bright sword est un roman fort sympathique qui propose une vision des aventures arthuriennes intéressante.

Volna de Christophe Siébert

Christophe Siébert développe, sur plusieurs romans, une ville fictionnelle, Mertvecgorod, sur deux grandes périodes (avant et après le black-out). Volna se déroule dans la seconde période et est le premier roman de l’auteur que je lis.

Il suit deux habitants de la ville, exploités, drogués (comme tous le monde) et un peu paumé qui rentre en possession d’un singe bio-synthétique qu’il espère revendre pour pouvoir quitter la ville. Ce qu’ils ne savent pas c’est que le singe est porteur d’une puce contenant des informations que l’ensemble des factions (violentes et décadentes) qui contrôlent la cité veulent récupérer. Débute alors une course poursuite entre les différents protagonistes avec, en toile de fond, les tags subversifs d’une mystérieuse activiste : Volna.

Volna est un roman bien écrit ou la violence et la déchéance sont omniprésents. Il est intéressant à lire mais je trouve que ça résolution est un peu rapide et que l’ensemble est un peu superficiel; « tout ça pour ça ».

Small things like these de Claire Keegan

Court roman historique de Claire Keegan, Small things like these suit Bill Furlong, marchand de charbon dans la petite ville de New Ross (Irlande) durant la période de Noël 1985.

Né de père inconnu et d’une mère femme de ménage qui a pu vivre chez son employeur, Bill est maintenant marié, père de plusieurs filles et au commande d’une petite entreprise qui tourne alors qu’une crise économique frappe l’Irlande. Vivant sa vie avec la blessure de ses origine, Bill se pose de nombreuses questions sur sa vie. Lorsqu’il se retrouve confronté à une jeune fille en détresse dans le couvent local, il se met à envisager que l’internat pour jeunes filles cache un secret plus sordide (il s’agit en fait d’une « Magdalen laundry« ).

Roman à l’écriture sensible, Small things like these se concentre sur l’importance des petites actions et réflexions qui montrent à la fois la bonté (ou l’indifférence) de l’être humain et leurs capacités à changer les choses.

Dating Fatigue de Judith Duportail

Faisant en quelque sorte suit à L’amour sous algorithme, Dating Fatigue de Judith Duportail est à mi-chemin entre une enquête journalistique et un récit autobiographique (ce qui selon moi fait sa force).

Ici, l’autrice prend comme point de départ son burn-out émotionnel né de la découverte du mode de fonctionnement des plateformes de dating mais aussi du comportement des hommes en général qui, il faut le reconnaitre, ont des comportements qui n’incitent pas les femmes à la confiance.

Se développe alors une réflexion sur la manière dont il serait possible de se respecter, de se lancer dans des histoires hétérosexuelles, le tout en naviguant la complexité et les paradoxes de l’amour et du désir.

Dating Fatigue est une lecture très intéressante qui m’apporte de la réflexion sur ma propre situation (malgré le fait que je sois un homme et non une femme, que je teste des app de rencontrer que depuis très très peu de temps). La lecture de l’ouvrage me laisse néanmoins un peu déprimer car aucunes vraies pistes ne semblent s’ouvrir à la fin de la lecture. Si ce n’est, pour l’homme que je suis, de tenter de se comporter de manière décente (ce qui est quand même un comble tant cela devrait être le point de départ de la réflexion et non son point d’arrivée.

L’amour sous algorithme de Judith Duportail

Mélangeant enquête journalistique et récit autobiographique, Judith Duportail s’interroge sur une des applications de rencontre les plus connue et utilisée : Tinder.

Dans L’amour sous algorithme, la manière dont fonctionne Tinder est interrogée : entre marketing de la drague, notes secrètes et algorithmes qui reproduisent, à dessin, certaines attentes patriarcales sur les relations (différence d’âge entre homme et femme, de revenu, de statut); c’est un portait assez sombre qui est brossé ici.

En y ajoutant les effets psychologiques que l’application produit sur ses utilisateurs, analysé ici non pas en consultant des spécialistes mais sur le vécu et ressenti de l’autrice qui narre dans le détail les rencontres, les hauts et les bas de son expérience sur Tinder, le tableau est, je trouve, déprimant.

Dans un article, prolongeant cet ouvrage, l’autrice révèle que le taux de match est de plus très différents entre les hommes et les femmes (de l’ordre de 50% pour elles et 2% pour eux). Cet état de fait amène a un vécu radicalement différent : pour elle le sentiment de plaire suivit d’une avalanche de messages qui soit se ressemblent tous (il n’existe pas mille manière d’effectuer un « premier » contact), soit sont agressifs / graveleux / etc. Alors que pour les hommes, c’est la frustration de ne presque pas pouvoir connecter et la pression pour passer à une version payante.

La lecture de L’amour sous algorithme est une lecture très intéressante mais hautement déprimante. A titre personnel, pour tester depuis peu l’application, je dois dire que je partage le constat que l’autrice fait dans son livre.