The Cartographers de Peng Shepherd

Nell Young est issue d’une famille de cartographes; sa défunte mère était cartographe, son père est un chercheur reconnu et influent qui est le chef de la division cartographie de la prestigieuse bibliothèque publique de New York, Nell est aussi cartographe.

Seulement, il y a une petite décennie, elle a trouvé une boite avec plusieurs cartes dans la réserve de la bibliothèque. Croyant à une grande découverte, elle a avisé son père et ses collègues en grande pompe avant de déchanter quand son père lui dit que cela n’est que des cartes bonnes pour la poubelle, la vire et s’arrange pour qu’elle ne retrouve pas de travail dans le domaine de la cartographie. Aujourd’hui elle travaille pour une boite de reproduction de cartes anciennes et ne parle plus à son père.

Quel n’est donc pas sa surprise lorsque son père est retrouvé mort dans son bureau et que dans la sacoche où il garde ses cartes les plus rares se trouve une vielle carte routière de l’état de New York, du type qui s’acheter dans les stations service, carte qui, de plus, est celle qui à couté à Nell sa carrière. Lorsque, en plus, la bibliothèque de New York est cambriolée avec violence sans qu’aucunes cartes ne soient volée, que la mort de son père se révèle être sans doute un meurtre et que la vielle carte sans valeur semble être le dernier exemplaire en circulation, s’ouvre pour Nell une enquête cartographique qui la mènera sur les traces du passé de son père et de sa mère.

The Cartographers est un thriller cartographique, avec une bonne touche de magie, bien mené. J’ai apprécié sa lecture (et la réponse à la question : que y a-t-il aux endroits où une erreur cartographique se trouve sur les cartes ?) même si les ficelles du récit sont très grosses (je n’ai quasiment pas été surpris par les différentes révélations des mystères du roman).

La maison des jeux de Claire North

Trilogie de trois courts romans (novella) formant un tout cohérent, la trilogie de La maison des jeux de Claire North suit l’évolution de la mystérieuse et puissant maison des jeux. Institution ancienne, la maison apparait dans divers villes du monde (parfois même en même temps) et propose aux connaisseurs des jeux. Les meilleurs joueurs se voient invités dans la chambre haute de la maison où les enjeux sont plus grands (des années de vie, la maitrise d’une langue, la bonne santé, etc.) et où les partis peuvent façonner le destin d’une ville, d’une nation ou voir du monde.

Le premier tome de la trilogie, Le serpent, se déroule à Venise en 1610 et suit une jeune femme qui est invitée à joueur une partie dont l’enjeu est l’accès à la haute loge de la Maison et le jeu en lui même est d’arriver à faire élire un candidat dans le conseil de la ville. Le jeu semble équilibré sur le papier mais l’est-il vraiment ?

Le second tome, Le voleur, se déroule en Thaïlande en 1938. Remy Burke, un joueur avec une grande expérience, accepte, sous l’effet de l’alcool, de jouer sa mémoire dans une partie de cache-cache à l’échelle de la Thaïlande. La partie est dès le début très mal engagé et Remy joue très gros. La maison sensément impartiale semble vouloir le voir perdre…

Le dernier tome, Le maître, se déroule de nos jour et voit la Maison de jeux fermé pour une partie d’échec au niveau mondial dont l’enjeux est le contrôle de la Maison elle même. L’un des plus vieux joueurs défie la maîtresse de la Maison elle même pour la contrôle de cette dernière. S’en suit une partie qui va faire basculer le monde dans une période d’incertitude et révélé la raison d’être de la Maison et ses secrets.

La trilogie de La maison des jeux est non seulement bien écrit mais aussi passionnante à lire; à mon avis ces trois textes sont parmi les meilleurs publiés dans la collection une Heure-Lumière.

Le tournoi des preux de Jean-Philippe Jaworski

Avec Le tournoi des preux, premier tome d’une trilogie intitulée Le chevalier aux épines, Jean-Philippe Jaworski revient dans l’univers du Vieux Royaume en proposant un récit se déroulant après Gagner la guerre dans le royaume féodale de Léomance.

Le tournoi des preux est, comme dans tous les textes de Jaworski, écrit dans une langue riche qui fait la part belle aux termes médiévaux. Le récit suit, principalement et en alternant les points de vue, le chevalier Aedan de Vaumacel de retour après plusieurs années d’absence dans le duché de Bromael. Son absence lors du procès pour adultère de la duchesse Audéarde de Bromael a été remarqué (il était l’homme suspecté d’avoir fauté avec la duchesse) et a permis la répudiation de la duchesse et son enfermement. Le Duc s’est ensuite remarié avec la fille du nouveau dirigeant de la cité-état de Ciudadela.

Les fils légitimes de l’ancienne duchesse prépare leurs participations à un grand tournois dans le but de défendre l’honneur de leur mère et convainque le chevalier de Vaumacel de se joindre à eux. Ce dernier accepte mais poursuit sa traque de des personnes responsables de l’enlèvement d’enfants en Léomance.

Sur ces deux prémisses, Jaworski déploie un récit complexe mêlant plusieurs intrigues qui se croisent et baladent le lecteur en divers lieux du duché de Bromael. Le lecteur sent bien que les enjeux sont à tiroirs et que de nombreux chausse-trapes attendent les différents protagonistes de ces derniers.

Le tournoi des preux se conclut sur le tournois et un cliffhanger d’une redoutable efficacité. S’il serrait possible de trouver que le roman est peut-être un peu gros (plus de 500 pages), personnellement j’en redemande et suis très curieux de connaitre la suite.

City of Last Chances de Adrian Tchaikovsky

City of Last Chances est un roman de Fantasy, tirant un peu sur le Weird, de Adrian Tchaikovsky. L’action se déroule dans la cité de Ilmar qui a été conquis il y a quelques années par une puissance étrangère, les Palleseen. Ces derniers veulent rationaliser le monde et lutte activement contre les anciens dieux et les pratiques magiques locales (par exemple en confisquant les objets magiques qu’ils trouvent afin d’en extraire la magie pour la réutiliser dans du matériel standardisé).

La ville d’Ilmar se caractérise par la présence en son sein d’un bosquet qui sert, parfois, de passage vers d’autres mondes et d’un quartier maudit hanté par l’ancienne famille régnante de la ville. En Ilmar se trouve aussi un quartier d’immigrés mal considérés, une universités, des usines dont les machines sont actionnées par des démons, d’anciennes familles nobles tentant de retrouver de leur superbe et une pègre qui profite de tous ce qui se passe pour s’enrichir.

L’action de City of Last Chances débute par la mort d’un membre important de l’administration Palleseen et la perte d’une puissante amulette qu’il transportait. Cette amulette sera le MacGuffin du roman et le moteur de changement qui mèneront à un soulèvement populaire.

Le roman croise les points de vue de plusieurs personnages (un prêtre d’un dieu oublié, une étudiante, un mage en exil, un professeur d’université, etc.) dont les destins vont se croiser et se re-croiser pour forme la trame de l’histoire d’Ilmar.

City of Last Chances fait partie des très bons romans de Tchaikovsk, auteur prolifique dont les textes vont du très bon au « fait le job sans plus ».

Sylvana de Michel Pagel

Il y a quelques années en arrière j’ai acquis, chez les Moutons électriques, l’intégrale en édition « définitive » (c’est-à-dire retravaillée par l’auteur) de la Comédie Inhumaine de Michel Pagel. C’est un ensemble de romans et de nouvelles fantastiques qui sont liés plus ou moins fortement et dont j’avais déjà lus il y a de nombreuses années quelques tomes. J’ai enfin trouvé le temps de commencer cette intégrale avec le premier tome publié : Sylvana.

Sylvana est un court roman d’entrée dans l’âge adulte et de vampire. Écrit à la première personne, il mêle les témoignages de Michel et de Sylvana. Le roman narre comment ils se sont rencontrés, dans un petit village de Vandée au début de l’adolescence, comment leur amour est né et la fin tragique, alors jeunes adultes, de leur histoire.

Tragique car Sylvana est une vampire. Contrairement aux histoires, elle n’a pas de pouvoirs particuliers, ni d’aversions particulières, sinon qu’elle a besoin de sang humain pour survivre. Et ce sang dont elle a besoin, c’est le frère jumeaux de Michel qui va le lui donner. L’histoire va se conclure sur une fin tragique, comme le lecteur pouvait s’y attendre (il est d’ailleurs prévenu dès le début du roman).

Sylvana est un roman fantastique fort sympathique qui se laisse libre avec plaisir et qui fleure bon le terroir.

TysT de Luvan

Roman de fantasy bretonne / celtique de Luvan, Tyst se déroule dans un futur (?) proche après une troisième guerre mondiale qui a eu pour effet la fermeture des frontières. La narratrice du récit est une musicienne bretonne qui partage son temps entre notre monde (pas souvent) et le monde de la féerie. Elle se lance dans une quête qui va la mener à une menace pour tous le monde, à se (re)trouver et à, peut-être, changer jusqu’à l’histoire de notre monde…

TysT est un roman au abord un peu déconcertant dans sa narration entre onirisme et anticipation, mais avec la lecture vient la compréhension de cet univers construit en différentes strates entre rêve et éveille. Le tout forme finalement un roman féerique mélancolique et poétique d’une grande finesse.

Los peligros de fumar en la cama de Mariana Enriquez

Proposant douze récits courts, fantastique, le recueil Los peligros de fumar en la cama de Mariana Enriquez est proche dans sa structure, sa thématique et ses récits que le recueil Las cosas que perdimos en el fuego.

Les récits courts ont ici aussi comme points communs le fantastique, le fait de se dérouler en Argentine (et pour beaucoup à Buenos Aires), des protagonistes féminins et des fins assez abruptes et sans épilogues.

Les textes sont bien écrits et se lisent avec plaisir, mais le sentiment persistant de lire des ébauches de récits plus larges en attente de développement finit par me lasser. Les deux meilleurs textes du recueil à mon goût son d’ailleurs les deux plus développés : « chicos que faltan » sur des jeunes disparus qui réapparaissent dans divers parc de Buenos Aires et « cuando hablámos con los muertos » sur un jeu d’adolescentes, des morts et les disparus de la dictature.

Eutopia de Camille Leboulanger

Gros roman (600 pages) de Camille Leboulanger, Eutopia est à la fois un récit de vie et une utopie solarpunk (une vision du future plus lumineuse du devenir de l’humanité).

Le lecteur est ainsi invité à suivre la vie de Umo, de sa plume, de sa naissance dans le petit village de Pelagoya jusqu’à sa vieillesse dans le village dont il est un des fondateurs. Sa vie est marquée par l’amour qu’il porte à Gob, une femme qu’il a rencontré enfant et dont le spectre de son amour et de leur histoire planera sur toute sa vie.

Le récit touche déjà là à quelque chose qui résonne en moi : la vie d’un individu, ce qui le marque et le façonne, et les choix qu’il fait. Mais le roman est aussi une chronique d’un autre monde possible. En effet, Eutopia se déroule dans un futur moyennent lointain où la mentalité de l’humanité à pas mal évolué par rapport à aujourd’hui.

Suite à la fin de la période « des camps » et la Déclaration d’Antonia, le monde est passé dans une logique non propriétariste et de décroissance. L’humanité se concentre dans des villes et des régions précises laissant une bonne partie du monde à la Nature. Les enfants sont élevés en commun et les besoins basiques de chacun sont assurés. Une organisation politique au croisement du communisme et de l’anarchisme s’est mise en place et le rythme de vie est « tranquille » (« nous avons le temps » étant un dicton souvent utilisé).

Eutopia est un roman servi par son écriture de qualité qui déroule la vie d’un homme dans une société qui ne met pas les priorités aux mêmes endroits que la notre. Bien que des esprits chagrins pourraient trouver le récit un peu longuet et la société de la Déclaration d’Antonia parfois un peu naïve (personnellement, mais je suis un pessimiste cynique, je suis beaucoup moins optimiste sur la nature profond de l’humain que l’auteur), Eutopia est un roman très agréable à lire et j’ai passé un excellent moment de lecture.

Golden Age de Fabrice Colin

Retour de Fabrice Colin au domaine de l’Imaginaire, Golden Age réunit plusieurs thèmes qui sont déjà apparus souvent dans l’œuvre de l’auteur : la féérie, la campagne anglaise, le début du XXe siècle, l’uchronie, les auteurs….

Golden Age se déroule en juillet 1914 dans un manoir du comté de Dorset dans le sud-ouest de l’Angleterre alors que des rumeurs de guerre se répandent. Une jeune femme se fait passer pour une journaliste afin d’approcher un célèbre écrivain (elle est en fait la maitresse de son fils). Au manoir elle découvre dans la tiédeur de l’été, la réunion d’un groupe d’écrivains sur le déclin qui cherchent à faire revenir leur muse et l’inspiration.

Roman uchronique (le monde de 1914 ressemble au notre mais plusieurs petits détails sont différents), Golden Age est avant tout une promenade champêtre légèrement onirique où se révèle peu à peu les secrets de familles et d’amitiés, le tout avec en arrière plein les rumeurs de guerre et le départ des féees.

Ce roman ne plaira clairement pas à tout le monde tant son intrigue semble parfois décousu, parfois se perdre dans des méandres et au final laisse plusieurs questions sans réponses. Mais l’écriture est belle et j’ai pris plaisir à me laisser bercer et mener au fil des mots.

Summerland de Hannu Rajaniemi

Audio-lu en anglais, mais paru en juillet dernière en français chez ActuSF, Summerland de Hannu Rajaniemi est un sympathique roman d’espionnage.

Le roman se déroule en 1938 à Londres dans la communauté du renseignement et contre-espionnage britannique. Mais le monde dans lequel il se déroule n’est pas totalement le nôtre : en effet la découverte, au tournant du XXe siècle, de l’existence de l’au-delà a permis à la fois le développement de technologies de communication avec les morts mais aussi le moyen de maintenir les âmes des défunts au service de son pays.

C’est dans ce contexte que Rachel Whiter, une agente du SIS apprend qu’une taupe des soviétiques (super puissance dirigée par une intelligence supérieure amalgame de millions d’âme) se trouve dans les services secrets du pays; dans la partie des âmes mortes qui travaillent dans les services secrets.

La taupe ayant des relations et Rachel étant une femme, elle se retrouve reléguée au service comptabilité et se lance dans une opération clandestine pour que la vérité éclate, le tout sous le bruit des bottes qui annonce une futur guerre internationale en Espagne.

Summerland est un roman d’espionnage et d’aventure qui se lit avec plaisir. Le rythme de l’histoire s’accélérant fortement sur la fin m’a donné la sensation d’un petit problème de rythme. La fin me semble d’ailleurs suffisamment ouverte pour qu’un second tome soit envisageable assez facilement. Au final, un roman d’uchronie fantastique très divertissant.