Oh William! de Elizabeth Strout

Situé dans une série de romans (que je n’ai pas, pour le moment lu), Oh William! de Elizabeth Strout narre, à la première personne, une partie de la vie de la romancière Lucy Barton (dans la soixantaine au moment de ce roman).

Entremêlant des pans de son passé avec sa vie présente, Oh William! se concentre sur William, le premier mari de Barton avec lequel elle a eu deux filles, maintenant jeunes adultes.

William, septuagénaire qui en est à sa troisième femme, est ex-professeur et chercheur en biologie. Au moment du récit, il est sur le point de traverser deux crises : une nouvelle séparation et la découverte de l’existence d’une demi-sœur dont il ne savait rien.

Oh William! est fait de petits instants de vie, comme tout le monde en a connu, éclairés par des éléments du passé des protagonistes. Le tout forme un roman au rythme lent dans lequel il ne se passe rien d’extraordinaire. Pourtant, le talent de Strout se déploie et Oh William! sert de porte vers une multitude de réflexions sur ce les différents fils, visibles et invisibles, qui tissent nos vies et l’étoffe de nos êtres.

Un roman donc magistral aux couches de lecture nombreuses.

The Bright Sword de Lev Grossman

The bright sword s’inscrit dans la longue tradition de réécriture des récits arthuriens. Le roman propose, dans une Bretagne mythifiée (le code de la chevalerie côtoie l’invasion saxonne et un chevalier originaire du royaume de Bagdad) de se pencher sur l’histoire de Camelot de de la table ronde après la chute d’Arthur.

Le roman suit le jeune Collum qui se rend à Camelot dans l’espoir de rejoindre les chevaliers de la table ronde. Mais à son arrivée, il apprend la mort d’Arthur et de la plupart de ses chevaliers. Débute alors pour le jeune homme une aventure qui définira le futur de la Bretagne post-Arthur.

Lev Grossman convoque dans ce roman les seconds couteaux (Palomides, Dagonet, Nimue, etc) de la table ronde qui ont survécu à Arthur en leur proposant une quête après sa mort mais en revenant sur leurs passés également.

The bright sword est un roman fort sympathique qui propose une vision des aventures arthuriennes intéressante.

Volna de Christophe Siébert

Christophe Siébert développe, sur plusieurs romans, une ville fictionnelle, Mertvecgorod, sur deux grandes périodes (avant et après le black-out). Volna se déroule dans la seconde période et est le premier roman de l’auteur que je lis.

Il suit deux habitants de la ville, exploités, drogués (comme tous le monde) et un peu paumé qui rentre en possession d’un singe bio-synthétique qu’il espère revendre pour pouvoir quitter la ville. Ce qu’ils ne savent pas c’est que le singe est porteur d’une puce contenant des informations que l’ensemble des factions (violentes et décadentes) qui contrôlent la cité veulent récupérer. Débute alors une course poursuite entre les différents protagonistes avec, en toile de fond, les tags subversifs d’une mystérieuse activiste : Volna.

Volna est un roman bien écrit ou la violence et la déchéance sont omniprésents. Il est intéressant à lire mais je trouve que ça résolution est un peu rapide et que l’ensemble est un peu superficiel; « tout ça pour ça ».

Small things like these de Claire Keegan

Court roman historique de Claire Keegan, Small things like these suit Bill Furlong, marchand de charbon dans la petite ville de New Ross (Irlande) durant la période de Noël 1985.

Né de père inconnu et d’une mère femme de ménage qui a pu vivre chez son employeur, Bill est maintenant marié, père de plusieurs filles et au commande d’une petite entreprise qui tourne alors qu’une crise économique frappe l’Irlande. Vivant sa vie avec la blessure de ses origine, Bill se pose de nombreuses questions sur sa vie. Lorsqu’il se retrouve confronté à une jeune fille en détresse dans le couvent local, il se met à envisager que l’internat pour jeunes filles cache un secret plus sordide (il s’agit en fait d’une « Magdalen laundry« ).

Roman à l’écriture sensible, Small things like these se concentre sur l’importance des petites actions et réflexions qui montrent à la fois la bonté (ou l’indifférence) de l’être humain et leurs capacités à changer les choses.

Dating Fatigue de Judith Duportail

Faisant en quelque sorte suit à L’amour sous algorithme, Dating Fatigue de Judith Duportail est à mi-chemin entre une enquête journalistique et un récit autobiographique (ce qui selon moi fait sa force).

Ici, l’autrice prend comme point de départ son burn-out émotionnel né de la découverte du mode de fonctionnement des plateformes de dating mais aussi du comportement des hommes en général qui, il faut le reconnaitre, ont des comportements qui n’incitent pas les femmes à la confiance.

Se développe alors une réflexion sur la manière dont il serait possible de se respecter, de se lancer dans des histoires hétérosexuelles, le tout en naviguant la complexité et les paradoxes de l’amour et du désir.

Dating Fatigue est une lecture très intéressante qui m’apporte de la réflexion sur ma propre situation (malgré le fait que je sois un homme et non une femme, que je teste des app de rencontrer que depuis très très peu de temps). La lecture de l’ouvrage me laisse néanmoins un peu déprimer car aucunes vraies pistes ne semblent s’ouvrir à la fin de la lecture. Si ce n’est, pour l’homme que je suis, de tenter de se comporter de manière décente (ce qui est quand même un comble tant cela devrait être le point de départ de la réflexion et non son point d’arrivée.

L’amour sous algorithme de Judith Duportail

Mélangeant enquête journalistique et récit autobiographique, Judith Duportail s’interroge sur une des applications de rencontre les plus connue et utilisée : Tinder.

Dans L’amour sous algorithme, la manière dont fonctionne Tinder est interrogée : entre marketing de la drague, notes secrètes et algorithmes qui reproduisent, à dessin, certaines attentes patriarcales sur les relations (différence d’âge entre homme et femme, de revenu, de statut); c’est un portait assez sombre qui est brossé ici.

En y ajoutant les effets psychologiques que l’application produit sur ses utilisateurs, analysé ici non pas en consultant des spécialistes mais sur le vécu et ressenti de l’autrice qui narre dans le détail les rencontres, les hauts et les bas de son expérience sur Tinder, le tableau est, je trouve, déprimant.

Dans un article, prolongeant cet ouvrage, l’autrice révèle que le taux de match est de plus très différents entre les hommes et les femmes (de l’ordre de 50% pour elles et 2% pour eux). Cet état de fait amène a un vécu radicalement différent : pour elle le sentiment de plaire suivit d’une avalanche de messages qui soit se ressemblent tous (il n’existe pas mille manière d’effectuer un « premier » contact), soit sont agressifs / graveleux / etc. Alors que pour les hommes, c’est la frustration de ne presque pas pouvoir connecter et la pression pour passer à une version payante.

La lecture de L’amour sous algorithme est une lecture très intéressante mais hautement déprimante. A titre personnel, pour tester depuis peu l’application, je dois dire que je partage le constat que l’autrice fait dans son livre.

Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon

Ouvrage tiré du podcast éponyme qui s’intéresse à la masculinité contemporaine, et dont tous les épisodes que j’ai écoutés pour le moment sont super intéressants, Les couilles sur la table discute et brosse un portrait de la masculinité contemporaine d’un point de vu féministe.

L’ouvrage se structure en plusieurs parties qui discutent d’un aspect, propose des éléments théoriques, avec références, et des extraits et réflexions tirés des épisodes du podcast qui discutent ces aspects. L’ouvrage se termine par quelques pistes pour, individuellement, faire changer les choses sans pour autant occulter les difficultés et paradoxes qui apparaissent assez rapidement une fois que l’envie de changement s’impose.

Le livre aborde ainsi la construction de la masculinité (du point de vu toujours des sociétés occidentales), les avantages et privilèges inerrant à être un homme, l’exploitation des femmes, mais aussi des hommes, par les hommes, la question de la violence et des pistes pour changer.

J’ai trouvé l’ouvrage très intéressant et un complément écrit bien venu au podcast. Une très bonne lecture.

Les Hommes Hétéros le Sont-Ils Vraiment ? de Léane Alestra

Avertissement : j’ai pas mal hésité avant de chroniquer ce livre. Donc, histoire d’être claire, je parle ici en mon nom (et pas « pour tous les hommes » ou truc du genre), et je suis un homme blanc, cisgenre, hétéro et célibataire après plus de vingt dans une relation hétéro et monogame).

Derrière ce titre peut-être un peu provocateur, ce cache un ouvrage super intéressant et dont la question du titre, Les Hommes Hétéros le Sont-Ils Vraiment ?, se révèle extrêmement pertinent.

En effet, Léane Alestra pose un constat : beaucoup d’hommes qui disent « aimer les femmes », cherchent avant tous à passer du temps entre hommes et leurs compagnes / conquêtes [sic] féminines sont avant tous des moyens de se faire mousser avec leurs potes. De plus, dans de nombreux groupes d’hommes, il y a un paradoxe entre « les amis en premier/avant tout » et « mais surtout nous ne sommes pas homo ».

Fort de ce constat, Alestra décortique la construction de la masculinité dans les sociétés occidentales en démontrant que les normes sociales de la virilités sont avant tous validées par les autres mâles et poussent les hommes qui s’y conforment à valoriser l’amitié masculine mais la sexualité hétérosexuelle « performatives » (c’est-à-dire coucher avec des femmes pour montrer sa virilité, ses talents de « chasseurs », etc. mais au final pas vraiment pour s’intéresser à la personnalité et à l’individualité des femmes en elle-même.).

La grande majorité des hommes se retrouvent donc devant le paradoxe de désirer être entre hommes mais de devoir désirer sexuellement les femmes.

Les Hommes Hétéros le Sont-Ils Vraiment ? est, je trouve, super intéressant et très convaincant dans sa démonstration. A titre personnel, cela met le doigt sur un ressenti que j’ai depuis très longtemps : je ne m’identifie pas du tous avec le model masculin « typique ». Et lire le livre m’a permis de comprendre le pourquoi de cette sensation.

Bref, Les Hommes Hétéros le Sont-Ils Vraiment ? est un livre que je trouve très important. Mais, je ne suis pas certain que ceux dont il parle seraient près à le lire et à accepter le miroir qui leur est tendu.

The Dead Cat Tail Assassins de P. Djèlí Clark

Un monde de Fantasy, une cité de ce monde, une assassin, membre d’une guilde exclusive les Dead Cat Tail, composée uniquement de personnes qui, de leur vivant, ont passé un pacte avec la déesse de la mort : être ramener comme mort-vivant après leur trépa, sans souvenirs et servant la déesse, comme assassin ou parfois comme cuisinier.

Eveen est l’une d’entre elle. Assassin au service de la guilde, elle reçoit la mission d’éliminer une jeune femme. Sa surprise est totale lorsque elle réalise que c’est en fait elle-même qui doit être éliminée; enfin elle même vivante, retirée du passé pour être sa cible aujourd’hui.

Décident de rompre la règle la plus importante des assassins, Eveen ne remplit pas son contrat et tente de comprendre qui lui a tendu ce piège et comment s’en dépétrer.

The Dead Cat Tail Assassins est un roman de Fantasy divertissant, bien écrit et rythmé comme sait en écrireP. Djèlí Clark.

Singer Distance de Ethan Chatagnier

Début 1960, les États-Unis dans un monde qui pourrait avoir été le nôtre sauf que Mars est habitée et que ses habitants posent des questions mathématiques à l’humanité. La première question a été répondue par Einstein via des tranchées dans le désert qui ont été illuminés à l’essence. Mais la question suivant est restée irrésolue depuis plusieurs décennies et Mars est silencieuse.

En ce mois de décembre 1960, quatre étudiants en mathématique font route vers le site de la « réponse d’Einstein, parmi eux Crystal Singer, une jeune femme sensible et surdouée qui pense avoir la réponse à la dernière question posée et qui, avec l’aide de son petit ami Rick et deux autres co-étudiants, va graver dans le désert sa réponse.

La suite ? C’est le propos du roman Singer Distance de Ethan Chatagnier. Le romancier ne propose pas une histoire avec un grand H de la rencontre entre la Terre et Mars, mais l’histoire d’une obsession : celle de Crystal Singer pour les mathématiques et le problème posé par les Martiens (d’abord une question sur les distances, puis sur l’Entropie).

Mais aussi une histoire d’amour contrariée entre Rick et Crystal, fait de distance, d’abandon, de foi et d’obsessions. Bref, Singer Distance est avant tous un roman parlant d’amour et d’humanité ; une histoire belle et au ton juste.