Espèces d’espaces

Suite à une discussion avec une amie j’ai eu envie de relire ce superbe livre. Georges Perec y dissèque avec bonheur la notion d’espace. De courts chapitres traitent ainsi ses différentes dimensions : de la page d’un livre à la terre entière, en passant par les portes, la rue, la ville, la chambre, le lit, etc. Le tout au travers de réflexions personnelles, de projets de roman, d’actes de mémoires.

Le plus surprenant d’Espèces d’espaces c’est que la réflexion n’est pas élevée et pédante, mais au contraire très terre à terre, à un niveau où l’on a pas l’habitude de penser. Il est ainsi très facile de s’approprier les nombreuses idées simples mais bien pensées de cette essaie. Une lecture rapide, bonne pour la tête et bien pensée sur ce qui après tout est une des dimensions fondamentales de la vie : l’espace.

Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?

Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, sous ce titre provocateur se cache un essai sur la lecture et sur la critique/discussion littéraire. Le postulat de l’auteur, lui même professeur de littérature, est qu’il est légitime et souhaitable de parler d’un livre que l’on n’a pas lu, et que même lorsqu’on lit un livre on n’en conserve que des souvenirs fragmentaires qui dépendent de notre vécu et de nos attentes. En somme, personne n’est capable de parler d’un livre qu’il a lu, car personne n’est capable de lire dans l’absolu un livre.

L’important pour l’auteur est de pouvoir situer un ouvrage par rapport au autre ouvrage, c’est ce qui forme la culture littéraire. Il met égallement en avant que lorsqu’on lit un livre, on le compare continuellement avec notre attente de ce qu’est un livre parfait. En fait lorsqu’on parle d’un livre qu’on a lu, on ne fait que recréer ce livre à l’aune de nos attentes; le livre ainsi discuté se trouve alors à mi-chemin entre le livre lu et notre vision d’un livre parfait.

Bayard nous invite ainsi à une réflexion, appuyée par des exemples littéraires, sur ce qu’est la lecture et ce que sont le commentaire et la critique des livres; il utilise pour cela des concepts tels que ceux de « bibliothèque virtuelle », de « bibliothèque intérieur », de « livre écran », ou encore de « livre fantôme ». Bien que je ne sois pas 100% d’accord avec la totalité de l’argumentation, notamment sur l’encouragement à la non-lecture (mais où est donc le plaisir du livre dans cela), j’ai trouvé la réflexion développée très stimulante et, en partie, décomplexante sur mes capacités d’analyse littéraire à un niveau universitaire.

Harry Potter and the deathly Hallows

Le dernier Harry Potter, vue que je ne souhaite pas gâcher le plaisir de la lecture pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, je me contenterais de donner un avis succinct sur l’ouvrage. Je l’ai bien aimé, il est aussi bon que les précédents, donne beaucoup d’informations sur le passé des personnages et résout toutes les trames narratives posées par Rowling. Il a des défauts, mais ceux-ci sont inhérents au limites posées par Rowling elle-même (roman centré sur Harry Potter, se déroulant sur une année scolaire, pour citer les deux principaux). Bien que peu adepte des adaptations cinématographique du petit sorcier, je suis vraiment curieux de voir comment va être adapté ce dernier tome, tant cela risque de donner un filme chiant à mourir là ou le livre capte bien les tourments de l’adolescence.

Si vous voulez plus de détails, je suis sur qu’un petit coup de google vous permettra d’attendre des nombreux sites remplis de spoilers…

Wizard of the crow

Difficile de résumer Wizard of the crow tant ce roman est dense (plus de 700 pages quand même). Il narre l’histoire d’un pays d’Afrique imaginaire (The free Republic of Aburiria) dont le dirigeant est un dictateur, anciennement soutenu par l’occident (guerre froide oblige) et qui doit gérer à la fois les troubles dans son pays (des rebelles), les relations avec l’étranger (et notamment la banque globale) et les luttes intestines de ses ministres. Le tout alors que le dirigeant recherche des fonds pour lancer « marche vers le paradis », la construction d’une nouvelle tour de Babel.

On suit principalement l’histoire de Kamiti, un africain féru de spiritualité, diplômé d’une université indienne, et sans emploi, qui pour échapper à la police un soir ou il faisait la manche invente un personnage fictif (le Wizard of the Crow du titre) . Ce dernier prendra de l’ampleur et le fera rencontrer tous le gratin du pays, ainsi que jouer un rôle important dans les événement politique de la nation. Il est accompagné par Nyawira, une jeune femme membre d’un mouvement de rébellion.

Le roman se rattache sans peine au courant du réalisme magique, et de nombreux éléments fantastiques viennent ponctuer le récit (un ministre s’est fait agrandir les yeux pour devenir les « yeux du dirigeant » et mieux voir ses ennemis, le dirigeant gonfle et perd l’usage de la parole, etc.). Tout ces éléments servant à mettre en avant les différents éléments de l’Afrique contemporaine. Wizard of the crow est vraiment un roman excellent, très riche et agréable à lire. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire et de contenir certaines longueurs; longueurs qui ne m’ont personnellement pas gênées mais qui pourrait en rebuter certains.

Hullabaloo in the Guava Orchard

Hullabaloo in the Guava Orchard me fait furieusement penser à Como agua para chocolate (Les épices de la passion en français) de Laura Esquivel. De ce roman indien se dégage en effet une ambiance proche du réalisme magique.

Hullabaloo in the Guava Orchard narre l’histoire de Sampath Chawla, jeune Indiens un peu mou de 20 ans, qui un beau jour décide de quitter l’appartement familiale pour aller s’installer sur les branches d’un « arbre à Guava ». Sa famille le rejoint bientôt et monte un petit business autour de sa prétendu sainteté qui attire rapidement des pèlerins venus de l’Inde toute entière. Si l’on ajoute à cela sa mère, obnubilée par la cuisine, son père, obnubilé par l’argent, et sa soeur, obnubilée par l’amour, des singes ivres et des fonctionnaires peu efficaces, on obtient un mélange des plus drôles.

Hullabaloo in the Guava Orchard forme, à un autre niveau de lecture, égallement une satyre de la société indienne; que cela soit au niveau des coutumes des ses habitants, de la stupidité de ses élites, ou encore de l’inefficacité de son administration. Au final une lecture courte (le livre fait à peine 200 pages), drôle et agréable.

Babyji

Babyji est un roman de « coming of age1 » se déroulant de le Delhi de la fin des années 80. Anamika est une adolescente de 16 ans appartenant à la caste des brahmanes. Anamika est une des meilleurs élèves de Delhi, elle est « prefect » dans son lycée, elle adore la physique, mais surtout Anamika se cherche. Elle découvre peu à peu sa lesbianité au travers de plusieurs aventures interdites. Avec une femme d’âge mur, avec l’employée de maison de caste inférieur, avec une camarade d’école, Anamika papillonne et s’interroge sur le sens de sa vie et de la Vie. Elle s’inspire pour cela de ces cours de physiques.

Alors qu’Anamika se découvre, l’Inde vit une petite révolution : la prise de mesures de discrimination positive envers les basses castes met le pays en ébullition. Des adolescents appartenant aux hautes castes s’immolent par le feu pour protester. La tentation d’étudier à l’étranger, les USA, est également grande.

Babyji met en parallèle l’arrivée à maturité d’une adolescente dont les préférences sexuelles sont fortement réprimé par la morale, et un pays dont le système de caste est peu à peu remis en question.

Le roman est très bien écrit et très bien maitrisé. Anamika a des aires de Lolita indienne. Franchement, au début le roman ne me plaisait pas plus que cela, c’est dans sa seconde partie que j’y ai découvert toute sa dimension politique pour finalement ressortir de ma lecture avec un sentiment d’avoir lu une très bon livre. Si vous aimez le genre « coming of age », vous ne pourrez qu’aimer ce roman, sinon vous y trouverez de bonne chose également, bien que le côté très sensuelle de l’histoire puisse en déranger certain.

1. Si vous savez comment dire « coming of age » en français et/ou espagnol, laissez un commentaire je suis intéressé !

Le rivage du labyrinthe I & II

Le rivage du labyrinthe est la deuxième histoire écrite dans le monde des XII Royaumes, mais chronologiquement elle se déroule avant le récit narré dans la mer des ombres.

L’histoire est celle de Taiki, le kirin (l’animal sacré) du royaume de Tai, celui qui désigne le roi. Alors qu’il n’était pas encore né, il fut emporté par une tempête magique au Japon. Il ne fut retrouvé que dix ans plus tard. L’histoire nous narre donc son enfance sur la montagne sacrée. De nombreuses informations sont ainsi donné sur les animaux mythiques que sont les Kirin. Mais c’est égallement l’arrivée à la maturité d’une kirin hors-norme qui est contée : une Kirin qui doute de son rôle et de sa puissance.

Tout aussi agréable à lire que la mer des ombres et porteur de nombreuses précisions sur le fonctionnement de l’univers des XII Royaumes, Le rivage du labyrinthe est néanmoins, à mon gout, inférieur au premier récit de ce cycle.

La mer de l’ombre I & II

La première histoire du cycle des XII Royaumes a, enfin, été traduite du japonais en français. J’avais adoré l’anime librement adapté de ce cycle; c’est donc avec plaisir et voracité que je me suis jeté sur La mer de l’ombre.

Je n’ai pas été déçu, même si je connaissais déjà les grandes lignes de l’histoire de Yoko : cette étudiante japonaise de 17 ans qui se retrouve entrainé par un mystérieux inconnus dans l’univers asiatico-médiéval-fantastique des XII royaumes et qui va devoir apprendre à survivre et parcourir seul le monde pour trouver quel est la raison de sa venu dans les royaumes, et découvrir en même temps qui elle est et comment l’être. Une histoire somme toute assez commune dans les romans de Fantasy, mais qui est ici présentée dans un univers que je trouve envoutant et exotique. Les XII royaumes ont en effet la particularité que chacun des souverains est choisi par un être d’origine divine qui représente le mandat céléste qui permet à chaque souverain de gouverner. L’absence, ou la déviance d’un souverain, se traduisant par des catastrophes d’ordre magiques sur le royaume. L’écriture (du moins dans la traduction, pour la VO je ne sais pas) du roman est de plus fort agréable à lire, et les quelques illustrations qui parsèmes le récit sont fort jolies.

Au final un roman destiné aux adolescents mais qui sera sans mal conquérir un public plus adulte amateur de Fantasy agréable à lire et original.

El pintor de batallas

Étrange roman que el pintor de batallas, écrit par un ancien reporter de guerre, Pérez-Reverte, il narre l’histoire de Faulques un ancien photographe de guerre. Ce dernier a abandonné son métier, et c’est réfugié dans une vielle tour où il peint une fresque représentant la guerre sous toutes ces formes.

Un beau jour un ancien soldat qu’il a photographié durant la guerre de Yougoslavie se présente à lui, et lui annonce qu’il vient pour le connaitre d’avantage et le tuer pour se venger des conséquences de la photo. Début ainsi une discussion entre les deux hommes, entrecoupée de la montée des souvenirs de Faulques. Elle permet au lecteur de découvrir les nombreuses fêlures de la vie de Faulques, dont nottement la mort de son grand amour : Olvido (dont le nom est chargé d’un symbolisme évident).

El pintor de batallas touche à un des grand mystère de l’être humain : sa cruauté. Le roman entrecroise les réflexions sur la guerre, la nature humaine, la culpabilité, la photographie, la peinture et la perception du réel. C’est un roman fort, profond qui est peut-être bien, d’une certaine manière, le plus aboutit de Pérez-Reverte. Pourtant l’ai-je aimé ? Difficile à dire, ce n’est pas mon préféré de cette auteur; il se dégage de ce roman une pesanteur, une profondeur et une violence retenue peut-être trop importante pour que je puisse vraiment dire que je l’ai aimé. Il reste néanmoins une lecture forte qui marque son lecteur.

Porteurs d’âmes

J’aime beaucoup les livres de Pierre Bordage, ils oscillent en général entre de grandes fresques colorées et des histoires crasses encrées dans un présent légèrement avancé dans le temps. Mais ses livres sont emprunt d’un humanisme fort et, en général, contienne toujours une lueurs d’espoir, même faible, pour le genre humain.

Porteurs d’âmes fait partie de la deuxième catégorie, celle des histoires crasses. A Paris, dans un futur qui pourrait être demain, nous suivons l’histoire de trois personnages : Edmé un inspecteur de la crim’ désillusionné et à bout de souffle, Léonie une jeune libérienne, clandestine et esclave sexuelle récemment auto-libérée, et Cyrian un jeun étudiant de bonne famille qui est sur le point de rejoindre la confrérie des Titans, un groupuscule composé de « l’élite de la France ».

Ces trois personnages vont évoluer et se croiser autour de trois intrigues, bien entendu entremêlées : un charnier découvert dans la Marne, une machine qui permet de faire embarquer son âme comme « passager clandestin » dans une autres personne, et la quête de liberté et d’émancipation de Léonie. Le tout sur fond d’extrême droite toute puissante et de corruption moral et financière de l’administration rampante.

Porteurs d’âmes montre ce que pourrait devenir l’Europe si elle laisse cours aux parties les plus sombres de son âme; mais le roman porte égallement en lui le germe de l’espoir, l’humain possède égallement en lui les capacités d’aimer et de comprendre son prochain, capacités qui seront peut-être notre salvation. Un roman dur, donc, mais qui ouvre des pistes de réflexion intéressantes, même si, à mon sens, ce n’est pas le meilleur qu’aie écrit Bordage.