City of Stairs de Robert Jackson Bennett

City of Stairs, ou La Cité des Marches dans sa traduction française qui sort à la fin février 2024, est le premier tome d’une trilogie de Robert Jackson Bennett. J’ai lu ce livre dans sa version originale (anglaise).

Le monde est divisé en deux nations : Saypur, ancienne colonie d’esclaves du Continent devenu la nation qui domine le monde; le Continent qui jusqu’à il y a une septantaine d’année dominait le monde sous la direction d’un plusieurs divinités. Mais Saypur s’est révoltée et grâce un puissant chef de guerre a tué les dieux. Aujourd’hui, la mention des divinités ou de leurs miracles est chose interdite sur le Continent, et bien que certains de leurs miracles fonctionnent encore (alors qu’ils ne devraient plus, les divinités étant mortes), la plupart des gens se sont résignés à la disparition des divinités et au contrôle du Continent par Saypur.

Alors lorsqu’un historien venu à Bulikov, l’ancienne cité sainte (car lieu où siégeait les dieux), est assassiné, Shara et son « géant » d’assistant, aussi barbare qu’efficace, se rendre dans la cité pour élucider sa mort.

Shara est la petite fille du chef de guerre qui a tué les divinités, la nièce de la puissante ministre des Affaires étrangères, et surtout une espionne, une historienne spécialiste de l’histoire divine du Continent et exilée sur le Contient depuis de nombreuses. À son arrivée à Bulikov, elle va donner un grand coup de pied dans une fourmilière et mettre à jour plusieurs complots à même de changer le cours de l’histoire…

City of Stairs est un roman bien écrit, peut-être un peu long par moment, qui mène tambours battant une enquête aux nombreux rebondissements dans un monde qui fourmille de petites trouvailles fort sympathiques.

Triste Tigre de Neige Sinno

Difficile pour moi de parler de Triste Tigre de Neige Sinno. Il y a eu plein d’articles et de chroniques par des gens qui ont une bien meilleure plume que moi et le sujet très important du livre est sensible. En effet, dans ce texte multi-primé, Neige Sinno raconte et décortique les viols que sont beau-père lui a fait subir entre ses sept et quatorze ans. Elle le fait avec une plume limpide et incisive qui donne à son texte une clarté éblouissante.

Triste Tigre n’est pas le récit détaillé des sévices qu’elle a subit (il y a quelques mentions, mais très peu de détails crus) mais une exploration détaillée, via le récit de sa vie (du début des sévices jusqu’à sa vie actuel au Mexique, en passant par le procès, qui, fait rare et probablement du aux aveux de son beau-père, a vu son agresseur condamné, de plusieurs aspects de la condition humaine.

En effet, le récit est complété par des réflexions sur ce que vit intérieurement une victime et un agresseur. Mes mots sont maladroits, mais le lecteur trouvera dans Triste Tigre une réflexion sur le mal, la perversion, l’humanité, les mensonges qu’on se racontent et bien sur le tabou de l’inceste.

Triste Tigre est percutant, bien écrit et dans une réflexion profonde. Une lecture qui ne me laisse pas sans énormément de choses à réfléchir et des questions sur la part sombre de l’être humain.

Les Filles du Fauche-Dragon de Ferric & McNeill

Pour la sortie du jeu de rôle Gods, l’éditeur Arkhane Asylum Publishing a envoyé aux souscripteurs du jeu (je ne sais même pas s’ils sont disponibles autrement) un roman de Franck Ferric & Graham McNeill et un recueil de courtes nouvelles (quelques pages chaques) des mêmes plumes avec la participation en plus de Justine Niogret et Bastien Lecouffe Deharme. Si les deux ouvrages ne sont pas indispensables, ils sont néanmoins d’une lecture fort agréable.

Ce qui caractérise l’univers de Gods, du Sword Fantasy âpre, c’est l’existence d’objets (souvent des armes) qui contiennent une fraction d’une des nombreuses divinités disparues depuis longtemps. L’autre caractéristique du monde, c’est la présence d’un empire (inspiré de la Rome antique) qui entend son emprise et propage le culte du Soleil noir, le dieu unique.

Le recueil de nouvelles propose de très courts textes (quelques pages seulement) qui sont autant de fenêtres sur un monde de Sword Fantasy. C’est, logiquement, court et bien écrit.

Les Filles du Fauche-Dragon est un roman qui suit la fuite vers l’ouest, dans une région sauvage, d’une jeune fille et de son frère, patricien de l’Empire, de leur garde du corps et d’un trio de femmes guerrières protectrices du royaume qu’ils traversent. La jeune fille transportant avec elle une épée rouillée à qui elle parle et qui lui répond. Le voyage sera mouvementé et pas tous les voyageurs en verront le bout.

Le Talent est une Fiction de Samah Karaki

Samah Karaki est une scientifique en neuroscience, elle utilise donc les différentes publications et découvertes issues de la recherche scientifique pour interroger un objet d’étude : le talent.

Et dans son ouvrage, Le Talent est une Fiction, Karaki cherche à comprendre ce qu’est le talent et comment un individu devient « talentueux ». Elle s’attaque donc également à un ensemble de construction social forte contenu dans ce que nous tous comme société considérons comme le talent (un gymnaste d’exception, un auteur prolifique, un musicien de génie, un peintre, un cuisinier, etc.).

Pour ce faire, elle s’appuie sur les différentes représentations du talent pour montrer que c’est avant tout une construction sociale et que, si les conditions sociales sont réunies, n’importe qui peut être talentueux.

En effet, les différentes études existantes montrent que les différences individuelles (biologiques) ont un effet négligeable sur le développement d’un talent particulier. Dans les bonnes circonstances (bonnes formations, aisance matérielle, connections, opportunités, états d’esprits, culture, structures sociales, etc.) n’importe qui peut développer un talent particulier, que cela soit en musique, peinture, sport, etc.

L’ouvrage explique en détail comment les différents éléments qui forment nos trajectoires de vie peuvent expliquer qu’une personne devienne talentueuse ou pas.

Au final, Le Talent est une Fiction est un ouvrage extrêmement intéressant qui mériterait, peut-être, une suite pour discuter des solutions, individuelles ou sociétales. pouvant favoriser la possibilité pour le plus grand nombre de se développer comme il le souhaite.

En attendant cela, je vais tenter une expérience propre et me mettre à la guitare, souhaitez-moi bonne chance.

Venomous Lumpsucker de Ned Beauman

Une petite décennie dans le futur, l’humanité est toujours occupée à détruire l’environnement et à réaliser du profit. C’est dans ce contexte que c’est développé une industrie de l’extinction des espèces avec un principe similaire aux crédits carbones : les crédits d’extinction. Toute entreprise qui élimine une espèce doit payer pour le faire, avec un coût en crédits plus important si l’espèce est déclarée « intelligente ».

Bien évidement tout cela sert surtout les intérêts des entreprises et à donner un vernis de bonne conscience à une opération minière, à la construction d’un centre de loisir ou à la réalisation d’une infrastructure de transport. C’est dans ce contexte que se déroule Venomous Lumpsucker, le roman suit Karin Resaint une biologiste qui étudie des espèces en danger afin de déterminer si elles sont « intelligentes » et Mark Halyard un cadre dans une entreprise minière qui revend les crédits de son employeur par dernière dans le but de réaliser un profit.

Resaint étudie une espèce de poisson, le Venomous Lumpsucker du titre, qu’elle va déclarer intelligente lorsqu’une gigantesque opération de piratage informatique va détruire l’ensemble des centres de préservations des espèces en danger. La région où le poisson se trouve a été minée par erreur, le prix des crédits s’envole et Halyard risque la prison pour avoir vendu des crédits qu’il n’a plus les moyens de racheter.

Tous deux, pour des motifs différents, vont alors se lancer dans une recherche désespérée d’un éventuel venomous lumpsucker qui aurait survécu. La traque de ce MacGuffin va être prétexte à se balader dans le nord de l’Europe et montrer ce qu’est le monde de 2030 avec à la clef la révélation des raisons du piratage.

Venomous Lumpsucker est un roman sympathique d’anticipation, mais qui ne révolutionne ni la réflexion sur les thématiques écologiques ni la littérature (de genre ou autre). Bref, au final, un roman qui « fait le boulot » et qui est agréable à lire mais sans plus.

Votre cerveau vous joue des tours de Albert Moukheiber

Dans ce court et intéressant livre, Albert Moukheiber décortique le fonctionnement du cerveau et met en évidence, avec l’aide des résultats de la recherche en pyschologie et neuroscience, les différents biais qui nous animent tous.

Dans Votre cerveau vous joue des tours le lecteur découvrira ainsi les nombreux biais qui nous animent et divers astuces et conseils pour réussir à mitiger leurs effets dans notre vie quotidienne de citoyen et d’individu. Une lecture très intéressante et accessible.

Abeni’s Song de P. Djèlí Clark

Abeni’s Song est le premier tome d’une série de Fantasy d’inspiration africaine de P. Djèlí Clark.

Abeni est une jeune fille d’une douzaine d’années lorsque son village est attaqué par les troupes de roi-sorcier et détruit. Les adultes survivants sont capturés et emmenés pour être vendus aux « bateaux-fantômes », les enfants sont ensorcelé par une envoutante mélodie jouée par un homme au masque de bouc…

Abeni ne doit la vie sauve que grâce à la vielle « sorcière » qui protège depuis toujours son village. Débute alors pour elle une vie étrange dans une maison magique aux multiples portes et pièces. Mais dans son cœur, Abeni conserve l’envie de retrouver ses amis et sa famille et de comprendre pourquoi son village a été détruit.

Alors, lorsque la « sorcière » est attaquée par un suppôt du roi-sorcier, Abeni part en quête de sa famille avec pour allier des esprits rencontrés en chemin…

Abeni’s Song propose une histoire de Fantasy assez classique avec une enfant qui grandit dans les épreuves et les amitiés rencontrés en chemin. Mais le texte est bien écrit et l’inspiration africaine donne au tout une teinte un peu différente des habituels Fantasy inspirées des mythes européens.

Slayers: A Buffyverse Story

Cette pièce radiophonique de huit heures raconte une histoire se déroulant dans l’univers de Buffy (une décennie près les séries TV, lorsqu’il y a de multiples tueuses) avec une partie des acteurs de la série original.

Le pitch : la tueuse d’un univers parallèle (Cordelia Chase) vient dans notre univers afin de trouver de l’aide pour lutter contre Drussila qui, avec l’aide de la sorcière Tara corrompue, cherche un moyen magique de protéger les vampires contre la lumière du soleil.

Arrivée dans « notre » monde grâce à la magie de Anya, la tueuse Cordelia retourne dans « son » Sunnydale avec Spike, le démon Clem, la jeune tueuse Indira et Giles. Là, séparé, le groupe tente de sauver la situation alors que les allégeances de Spike semblent devenir fluctuantes.

Slayers: A Buffyverse Story propose à la fois une nouvelle histoire et un nouveau contexte en déplaçant l’histoire dans un univers parallèle (et accessoirement cela permet d’expliquer l’absence de personnages clefs dont les acteurs ne sont pas impliqués dans l’histoire proposée). La pièce m’a plus et est fort sympathique. La fin laisse entrevoir la possibilité d’une suite qui pourrait s’annoncer très interessante.

Protectorats de Ray Nayler

Recueil de quatorze nouvelles, dont la majorité inédites en français, Protectorats de Ray Nayler a été concu pour cette édition française sans équivalent en anglais. De fait, le choix des nouvelles et leurs agencements a été réalisé d’une main de maître par Elle Herzfeld et Dominique Martel ce qui donne une très forte cohérence au recueil et au cheminement de lecture qu’il provoque.

Les nouvelles en elle-même se déroule presque toute (probablement toute mais pour certaines un doute est possible) dans la chronologie uchronique des Protectorats. La découverte, en 1938 par les Américains, d’une soucoupe volante écrasée sur Terre va transformer radicalement le destin de l’humanité avec le développement rapide de nouvelles technologies et l’émergence, à terme, de Protectorats, dont celui d’Istanbul est le cadre de plusieurs nouvelles.

De là, Ray Nayler propose des nouvelles se déroulant proche de notre présent ou dans un futur lointain où l’humanité explore les étoiles (en projetant la conscience des explorateurs dans l’espace qui occupe ensuite un corps envoyé en avance pour eux à destination).

Les différentes nouvelles, qui vont de bonne à magistrale, explorent souvent des questionnements liés à la conscience, la mémoire, l’extension de la durée de vie, ce qui fait l’humain.

Bref, au final, Protectorats est un excellent recueil ; de ceux qui vous font dire « mais pourquoi n’ai-je pas découvert cet auteur avant.

La Mer de la Tranquillité de Emily St. John Mandel

La Mer de la Tranquillité, que j’ai audio-lu en VO, est un roman de voyage dans le temps.

Un homme, né dans une des colonies lunaires, enquête à plusieurs époques sur une anomalie temporelle qui semble, pour un bref moment, se faire rencontrer plusieurs époques. Pour ce faire il se rend, depuis son 2401 natal, à différent point dans le temps afin de rencontrer les différents protagonistes qui sont lié à cette anomalie.

Le roman multiplie ainsi les points de vu entre personnages (le voyageur temporel, un violoniste, une écrivaine, un noble exilé, une jeune femme) et époques (la lune en 2401, la terre du XXIIé  siècle, l’an 2020 et le début du XXé siècle. 

Le tout formant un classique, mais sympathique et bien écrit roman qui explorent les thématiques de boucles temporelles, de la nature de la réalité (hypothèse de la simulation) et des pandémies (thème qui revient plusieurs fois dans le roman). Au final donc, La Mer de la Tranquillité ne renouvelle peut-être pas le thème du voyage dans le temps (comme l’annonce le quatrième de couverture francophone) mais propose une solide variation sur un thème classique.