Tool of War

Troisième roman situé dans le même futur (après Ship Breaker et The Drowned Cities), Tool of War est à la fois une conclusion à la « série » et une synthèse qui réunit dans la même histoire l’ensemble des personnages principaux des autres romans.
Situé dans un futur marqué par le déclin des états-nations, par la montée en puissance des cités et des multinationales, par le changement climatique (l’ensemble des villes de la côte Est des États-Unis, par exemple, ne sont plus qu’un gigantesque marécage), par l’augmentation des inégalités et par l’existence d’humains « OGM », le roman suit le destin de Tool, un soldat redoutable crée entièrement en laboratoire (en mixant sur une base humaine des gênes animaux).
Après s’être rebellé contre ses maîtres, Tool s’est fait discret. Mais sous sa férule, les différentes factions qui se faisaient la guerre dans les cités « englouties » (The Drowned Cities) sont soit vaincues soit sous son commandement. Attirant l’attention de ses anciens maîtres, il réchappe de peu à la mort et débute une fuite qui le mènera dans un puissant port indépendant et peut-être jusqu’à faire vaciller la multinationale qui l’a fait naître…
Labélisé « Young Adult », Tool of War est bien écrit et intelligemment mené. Le lecteur qui connait déjà Bacigalupi retrouvera ici, sa patte dans la description d’un futur ou se côtoie à la fois le meilleur et le pire du progrès.

The Water Knife

Il y a des livres dont on aimerait pouvoir visiter l’univers et il y en a d’autre où l’on se dit qu’on est très bien chez soi. The Water Knife fait définitivement partie de la seconde catégorie mais à sa lecture on a parfois sensation que ce qui est décrit c’est « demain ».
Se déroulant dans notre futur immédiat (5, 10, 15 ans, ce n’est pas clairement défini), The Water Knife, se déroule dans la ville de Phoenix, en Arizona. Le Méxique est sous le contrôle des cartels de la drogue, la Nouvelle-Orléans ou Miami ont été perdues face à la mer et aux ouragans, le gouvernement américain est toujours puissant, mais chaque état à renforcé ses prérogatives et contrôle, par exemple, de manière beaucoup plus stricte ses frontières.
Le sud des États-Unis se battent pour savoir qui à les droits les plus anciens sur l’eau afin de pouvoir répondre au besoin de leur population menacé par une sécheresse devenue permanente. Alors que la Californie et le Nevada, et surtout la ville de Las Vegas, se débrouillent bien, le Texas a sombré, lançant sur les routes ses habitants, et la ville de Phoneix se meurt. Privée d’eau, la ville sombre peu à peu dans l’anarchie, laissant une part croissante de la ville sous le contrôle de gangs.
C’est dans ce contexte que le lecteur est invité à suivre trois personnages, qui vont se croiser à plusieurs reprises, dans la ville de Phoenix : une journaliste, lauréate du prix Pulitzer, qui couvre depuis plusieurs années la déchéance de la ville, une jeune texane qui survit entre la menace du gang qui contrôle la zone où elle habite et le manque d’eau en essayant de ne pas sombrer dans la prostitution et un soldat de l’ombre (le « water knife » du titre) travaillant pour Las Vegas envoyé en mission dans la ville.
Ces trois personnages vont se retrouver au centre d’une traque pour retrouver des documents qui donne le droit d’exploiter les eau du Colorado, des droits anciens et qui dont ont priorité sur toutes autres demandes. Entre gangs, réfugiés texans, milice californienne et de Las Vegas, coyote qui font passer, contre argents, les migrants dans les autres États américains où il y a de l’eau, entrepreneurs chinois et trafiquants de drogue, la ville de Phoenix est devenue une ville dangereuse qui dévore ses habitants.
The Water Knife est un roman sombre à la crédibilité troublante. Outre de monter que le vernis de civilisation tient grâce à la satisfaction de quelques besoins de base, Paolo Bacigalupi a écrit un roman d’anticipation qui propose une vision de l’avenir basée sur les problèmes d’aujourd’hui. Une vraie réussite !

The Doubt Factory

Excellent roman « Young Adult » de Paolo Bacigalupi, The Doubt Factory est un thriller qui a pour thème « l’industrie du doute », celle qui permet, par une manipulation des médias, des tribunaux et de la science, de semer le doute qui permettra à un produit potentiellement nuisible de rester plus longtemps sur le marché. De ce point de vue, il sera sans doute plus « instructif » pour son public cible que pour les personnes plus matures pour qui ce business est connus.
Alix est une jeune étudiant de 17 ans dans un collège huppé de l’état de New-York. Sa vie oscille entre ses quelques amis, dont sa meilleure amie, l’école, son petit frère hyper-actif qu’elle doit « garder à l’œil » et sa famille aisée. Son père travaille dans le « relationnel » pour de grandes entreprises. Sa vie bascule le jour où un groupe, « 2.0 », s’en prend à son collège, puis directement à elle.
Au fil du roman, Alix, et le lecteur, comprend que « 2.0 » en venut en fait à son père et au rôle qu’il a joué dans le maintien sur le marché de produits dangereux. Menacée puis prise elle-même de doute, Alix va progressivement grandir en remettant en cause le rôle de son père, le tout avec une zeste de romance adolescente et de syndrome de Stockholm…
The Doubt Factory est donc un thriller de qualité, bien écrit, avec une histoire intéressante sur une thématique contemporaine. Que demander de plus ?

The Drowned Cities

Situé dans le même univers que Ship Breaker (dont il est présenté, d’une certaine manière à tort car seul l’univers est le même, comme la « suite ») et The Windup Girl, The Drowned Cities est un roman « Young Adulte » se déroulant dans une version de notre futur où catastrophe écologique et économique ont profondément changé notre planète. L’Asie, et notamment la Chine, est devenu le nouveau centre du monde, l’énergie est une denrée rare (plus de pétrole par exemple), les multinationales sont très très puissantes, les modifications génétiques sur les plantes et les êtres vivants sont courantes, le changement climatique est passé par là, et les États-Unis se sont effondrés.
The Drowned Cities se déroule sur la côte Est des États-Unis qui a été affectée par la montée des mers. Les différentes villes qui l’a compose sont donc partiellement sous les flots. Il s’agit d’un territoire morcelé en plusieurs armées/milices, composées majoritairement d’enfants/ados soldats, qui se battent pour son contrôle. Une brève tentative de pacification de la zone a été tenté par les Chinois, mais cela fait maintenant une petite décennie qu’ils ont abandonné la zone; zone qui est gardée par des soldats génétiquement augmentés afin que le chaos qui y règne (et ses habitants) n’en sorte pas.
C’est dans ce contexte, que le roman s’attache au pas de trois personnages : Mahlia, une ado dont le père était chinois et à qui une milice à coupé une main, Mouse, un orphelin qui l’a sauvé d’une mort certaine, et Tool, un « demi-homme », un soldat génétiquement modifié qui s’est émancipé de ses maîtres. Les deux ados qui ont été recueillis par un médecin dans un petit village essayant de vivre en marge des conflits seront happé par les guerres entre milice. Mouse embriguadé de force, Mahlia se lancera à sa recherche avec l’aide inattendue de Tool.
Au delà de l’histoire relativement simple, Bagigalupi brosse un portrait violent de notre futur. Les horreurs de la guerre, les souffrances des civiles, des enfants soldats et, au final, la quête de la libererté sont au cœur de ce roman. Étant destiné à un public « Young Adulte », l’intrigue, je l’ai dit, est simple et peu de personnages principaux sont présents (et deux sont des ados), mais le roman est violent et souvent cru (mais peu de sexe, et pas cru).
Ainsi, sans attendre la complexité et la profondeur de The Windup Girl, The Drowned Cities est, pour moi, une vraie réussite (la fin peut-être un peu trop rapide quand même). Il est plusieurs cran au dessus de Ship Breaker.
Lu dans le cadre du challenge fin du monde.

The Windup Girl

The Windup Girl se déroule en Thaïlande au (selon Wikipedia) 23em siècle. Notre ère du pétrole facile, connu sous le nom « d’expansion », est finie, et l’énergie nécessaire au fonctionnement des sociétés, rare , est produite au travers de l’ingénierie génétique (des sortes d’éléphants géants faisant tournés des dynamos, piles). Les manipulations génétiques des « callories company » ont libéré des virus et des plantes OGM qui ont éradiqué la nature telle que nous la connaissons aujourd’hui.

C’est dans ce contexte, dans la capital d’un royaume thaï toujours souverain grâce à une précieuse banque de semence, que le roman propose de suivre quatre personnages dont les actions vont profondément modifié l’équilibre du royaume. Cet équilibre est un jeu dangereux entre le royaumes et les « callories company » et, à l’interne, le palais et les ministères de l’environnement et du commerce. Les quatre personnages sont: un représentant des « callories company », un réfugié chinois, une membre du ministère de l’environnement au loyauté croisée et une « Windup Girl », une humaine OGM d’origine japonaise programmée pour servir.

Le roman est complexe mais propose une vision intéressante, mais terrifiante, du futur. En plaçant son roman en Asie, Bacigalupi présente également un seting inhabituelle dans les romans d’anticipation anglophone. The Windup Girl a gagné un prix Hugo amplement mérité.

Gromovar a également beaucoup aimé !

Lu dans le cadre du challenge fin du monde.

The Alchemist & The Executioness

The Alchemist & The Executioness sont deux courts romans (novellas dirait-on en anglais) de Fantasy se déroulant dans le même univers écrit par Paolo Bagigalupi, pour le premier, et Tobias S. Buckell pour le second. Écrit à la première personne, ils ont étés, si je me fie aux dates de sorties, probablement écrits pour être lu (la version audio est sortie six mois avant la version papier).
Le monde de Fantasy proposé est assez classique, le seul twist est que l’utilisation de magie provoque l’apparition de ronces envahissantes, quasiment impossibles à détruire et qui ont submergé de nombreuses terres et cités. Par voie de conséquence, l’utilisation de la magie est interdite et punie de mort. Mais cela n’empêche pas de nombreuses personnes de continuer à utiliser de petits sortilèges provoquant l’extension des ronces.
The Alchemist, de Paolo Bagigalupi, présente la vie d’un alchimiste désargenté qui utilise son énergie pour trouver un moyen non-magique de détruire les ronces. Vivant avec la dernière servante qui lui reste et sa fille, dont la maladie l’oblige a utiliser illégalement un peu de magie pour la maintenir en vie, il trouve une solution. Une fois cette solution présenté au maire de la ville, il se retrouve en prison et obligé d’utiliser son invention pour assouvir les désirs de puissance du maire.
Le texte est bien écrit et narré par une voix lasse qui est parfaitement dans le ton du personnage. The Alchemist est un roman fort agréable sur l’espoir, l’amour et l’avidité des puissants.
The Executioness, de Tobias S. Buckel, débute dans la même ville que The Alchemist, et suit l’histoire d’une jeune bouchère qui, pour soulager son père malade, doit porter l’habit du bourreau qui exécute les citoyens coupables d’utiliser la magie. Lors de sa première exécution, la ville est attaquée par des pillards qui capturent les jeunes enfants. La bourreau va alors se lancer sur les routes afin de les sauver. Tour à tour garde dans une caravane marchande et générale d’une armée « rebelle »; elle va entrer dans la légende et découvrir que les pillards n’agissent pas sans motivations ni raisons.
Roman également agréable, The Executioness a un titre qui prête à confusion. En effet, je m’attendais à un texte qui présentait la situation de la ville du point de vue du bourreau chargé des sentences envers les pratiquants de la magie. Je me retrouve avec un roman qui narre les aventures d’une jeune femme singulière dont « bourreau » n’est au final que le nom de guerre. Cela n’enlève rien à la qualité du roman, j’ai juste l’impression d’avoir « lu » un texte différent de celui auquel je m’attendais.

Ship Breaker

Troisième ouvrage de Paolo Bagigalupi, dont j’ai déjà critiqué le recueil de nouvelles Pump Six, Ship Breaker est un roman destiné avant tous à des ados et jeunes adultes.

Il conte donc une histoire relativement classique d’un ado travaillant dans le démantèlement de vieux navires. Un travail dangereux et très mal payé. Peu après avoir échappé à la mort, il découvre un bateau dernier cris échoué sur les rochers. Alors qu’il croit à son jour de chance, il doit y avoir des richesses à récupérer sur un si joli navire, il découvrir une survivante de son âge. Pour cette fille venu quasiment d’un autre monde, il va lutter pour qu’elle survive et sortir de sa condition.

Se déroulant en Floride/Louisiane, Ship Breaker n’est pas intéressant pour son histoire somme tout assez classique ni son écriture maitrisée, mais pour le monde qu’il dépeint : un futur où l’humanité a ravagé écologiquement la Terre, où notre époque est appelé « l’age de l’accélération », où les matières premières sont rares, où la grande majorité de l’humanité survit pendant que quelques uns ont de quoi vivre dans le grand luxe et la technologie, où des ouragans « tueurs de cité » sont choses courantes, où la génétique à créer de nouveaux esclave. Une anticipation intéressante basée sur notre mode de vie actuel. Elle a de plus le bon goût de ne pas être jetée au visage du lecteur, mais plutôt d’être présente en arrière fond, toujours mais subtilement.

Pump Six

Je dois à Gromovar du blog d’en face de m’avoir fait découvrir ce recueil de nouvelles d’anticipation. Je ne parcourais pas ici l’intégralité des différentes nouvelles, car c’est déjà fait dans le blog d’en face (notez néanmoins que moins chanceux que Gromovar, je n’ai pas eu l’édition limitée où se trouve la nouvelle Small offerings).

Ce recueil est une excellente surprise. Paolo Bacgalupi décrit plusieurs futurs possibles de notre planète et de l’humanité. Ce ne sont pas des futurs roses bonbons décrits ici, mais des futurs où l’humanité fait face à ses démons d’aujourd’hui : changements écologiques radicales, confiscation de l’agriculture par les multinationales, évolution drastique de l’espèce humaine grâce à la génétique, dérives des médias et du star système, développement de l’informatique et de la technologie. J’ajouterai que Bagigalupi fait se dérouler la plupart de ces nouvelles en Asie, mettant bien en évidence le déplacement du centre de gravité du monde qui se dessine aujourd’hui.

Je ne peux que conseiller la lecture de sa magnifique recueil qui, je l’admet, est parfois bien sombre.