Information doesn’t want to be free


Cory Doctorow est non seulement un écrivain de science-fiction, mais également un militant qui lutte contre le « verrouillage » d’Internet par les grands groupes économiques. Il a publié de nombreux articles et interviews sur ses question et Information doesn’t want to be free est une synthèse de ses avis sur la question.

 
Présenté comme un ouvrage de conseils aux créateurs afin de comprendre et d’utiliser Internet, l’ouvrage est aussi intéressant pour tous citoyens qui veut comprendre une partie, de plus en plus importante, du monde dans lequel il vit. En effet, Doctorow parle non seulement de création, mais surtout du fonctionnement des systèmes informatiques. Il montre ainsi que les acteurs économiques et étatiques ont parfois intérêt à laisser des vulnérabilités dans les systèmes informatiques (au niveau logicielle mais aussi au niveau matériel) pour pouvoir les exploiter à leur profit. Le problème étant que toute faille finira inévitablement par être découverte et être, potentiellement, exploité à d’autres fins. Cela peut sembler bénin, mais lorsque l’on réalise à quel point l’informatique a envahi notre quotidien, il devient facile de construire des scénarios préoccupants : des pacemakers qui peuvent être hacker et contrôler à distance (déjà fait), des voitures, des systèmes de contrôles de centrales nucléaires, d’avions, etc.
 
Une fois expliqué cela, Doctorow émet trois lois qu’il utilise pour donner des guides dans le monde numérique.
  1. Chaque fois que quelqu’un verrouille quelque chose qui vous appartient sans vous donner la clé, le verrou n’est pas là pour votre propre bien
  2. La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez pas être payé sans elle
  3. L’information ne veut pas être libre, les gens si.
Ouvrage très intéressant, à la fois inquiétant par certains aspects et rassurant dans le sens que Doctorow montre bien que de nombreux créateurs savent utiliser le système pour créer et diffuser leurs œuvres; Information doesn’t want to be free représente un résumé accessible des idées de Doctorow.
 

Le Maelstrom

J’ai pas mal hésité avant d’écrire une chronique sur le recueil d’articles et d’entretiens (publiés sur le Net, sauf pour un inédit, entre 2006 et 2014) de Romaric Briand. Il s’agit de réflexions et d’analyses sur le jeu de rôle qui sont minutieusement construits. Mes hésitations viennent du fait que je n’ai pas le temps d’argumenter avec la même profondeur que l’auteur et donc que je crains que ma chronique ne soit perçue comme trop superficielle. Ceci étant dit, lecteur, te voila prévenu, je peux maintenant écrire ma chronique l’esprit en paix.
Romaric Briand est philosophe de formation, spécialisé en métaphysique, et roliste. Il propose ses réflexions sur le jeu de rôle qui sont pour lui une manière de philosopher dans le sens où la pratique du jeu de rôle permet d’apprendre des choses sur l’humain et sur notre réalité (il est d’ailleurs créateurs d’une série de jeux, que je n’ai pas lu, qui pousse à cela).
Les réflexions qu’il propose dans ses articles et interviews portent donc sur ces différents éléments. Il réfléchit par exemple à ce que cela signifie de créer un univers fictif de jeu de rôle et un système de résolution des actions (la question est d’ailleurs posée de savoir si ces deux éléments sont vraiment distincts). Il discute également de l’impossibilité de créer/interpréter un personnage différent du joueur, en argumentant, de manière convaincante, que le personnage ne se différencie seulement que dans le sens où il est une réduction du joueur, une stéréotypassions d’un aspect de ce dernier.
L’auteur discute également de sa vision du marché de l’édition du jeux de rôle. Une vision, dont l’évolution est clairement perceptible dans la lecture chronologique du recueil, qui se porte avant tous sur un versant le moins commercial (dans l’acceptation capitaliste du terme) possible de la culture.
Finalement, et principalement dans le dernier article, inédit, du recueil, il développe le concept de Maelstrom pour décrire l’aspect fictionnel de ce qui est créer dans une partie de jeux de rôle. Le Maelstrom étant à la fois la production fictionnelle de la partie, mais également l’ensemble des fictions possibles pour chaque joueur durant le jeu.
Le recueil, pour qui s’intéresse à le « jeuxderologie », est intéressant à lire. Il est cependant souvent agaçant. L’auteur a une manière d’écrire et de présenter ses idées qui semblent pédant et élitiste. En réfléchissant sur ce qui me donnait cette impression, j’en suis arrivé à la conclusion que cette impression nait de l’absence de précaution oratoire de la part de Romaric Briand. Il donne en effet le sentiment de détenir la Vérité et que son analyse est la seule pertinente. Hors il s’agit d’une analyse d’un philosophe, sa validité est donc comprise dans le champ de la philosophie. Sa manière d’ignorer les apports possibles des autres disciplines (sociologie, littérature comparée, etc) est désagréable et, pour moi, nuit à son propos.
Il est possible de se procurer l’ouvrage sur le site de son auteur.

59 seconds: think a little, change a lot

Dans la lignée du Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, 59 seconds: think a little, change a lot est un ouvrage proposant plusieurs petits trucs pour améliorer sa vie quotidienne en se basant sur de nombreuses études universitaires de sociologues, psychologues et autres chercheurs.
L’ouvrage propose également de tordre le coup à de nombreuses propositions courantes des gourous de « l’amélioration de la vie quotidienne ». 59 seconds aborde ainsi des questions touchant le bonheur, la vie de couple, l’éducation des enfants, le succès, l’alimentation et le sport, etc.
Chaque partie propose une discussion de plusieurs études et quelques petits trucs facilement réalisable dont des études ont prouvé, ou en tous cas montré, les effets.
La lecture de ce livre est très sympathique, la question, comme souvent pour moi lorsque je lis ce genre d’ouvrage, de savoir si je vais changer mes habitudes afin de mettre en pratique les conseils proposés est par contre ouverte….

Une autre chronique par Cédric Ferrand.

Reading and writing along the borderlands

Reading and writing along the borderlans est un recueil de textes de l’écrivain américain Michael Chabon. Il s’agit d’une dizaine de textes pouvant se classer en deux catégories : des analyses de textes précis et des réflexions sur l’écriture. Les différents essais de Chabon traitent tous, à des degrés divers, de la littérature de « genre ». Dans ce sens, ils sont intéressants car ils posent un regard réfléchi sur une littérature souvent décriées dans les milieux académiques et intellectuels. L’écriture de Chabon est de plus agréable à lire et ses réflexions bien argumentées et réfléchies.
Sans rentrer dans le détail de chaque texte, on trouve dans ce recueil des réflexions sur l’écriture, sur la littérature de genre, des réflexions sur le fait d’être juif et écrivain, des analyses de comics, de Sherlock Holmes, du roman La Route, du roman American Flags, etc.
A titre personnel, deux textes m’ont plus marqué :
  • « Trickster in a suit of lights » : une réflexion sur la littérature dite de « genre » et sur son importance. Chabon propose une démonstration magistrale qui montre que nombres d’œuvres ne sont pas classable dans la littérature blanche ou de genre, mais se situe à la frontière entre elles.
  • « Fan fictions: on Sherlock Holmes » : est une analyse intéressante des aventures du célèbre détective qui devient, dans sa conclusion, un plaidoyer pour les « fan-fiction ».
Un recueil au final très intéressant, même si le fait de ne pas avoir lu plusieurs des oeuvres analysées a nuit un peu à ma lecture.

@ontext

Second recueil, après @content, @ontext réunit plusieurs essais et colonnes de Cory Doctorow parues précédement sur divers endroit du Net (et pour certains en version arbre mort). Doctorow est un fervent défenseur de l’utilisation raisonnée d’Internet, et est également un avocat acharné de la révision des lois de la propriété intellectuelle afin de facilité l’échange de bien culturel via Internet. C’est donc naturellement que les textes réunis ici tournent souvent autour de ses questions.

Les différents essais sont intéressants, mais, je trouve, un cran en dessous du précédent recueil. Je ne suis pas sur de savoir si cela est du au fait que je connais mieux les idées de Doctorow, et donc qu’à la longue il y a un certain nombre de répétions qui amoindrissent la surprise, où si cela est du aux sujets légèrement différents abordés dans le recueil (éducation et Internet, enfants et Internet, le monde de l’édition numérique, Apple et Amazon, etc.).

Il n’en reste pas moins que Doctorow propose toujours des réflexions et des idées salutaires dans un contexte de rigidification législative autours d’Internet et de ses usages. Il a le mérite de montrer que d’autres comportements sont possibles et de faire contre-poids à la voix tonitruantes des médias établis.

A noter que, comme tous ses livres, @ontext est disponible en téléchargement légal sur son site Internet.

Bad Mother

Bad Mother (sous titré : a chronicle of maternal crimes, monor calamities, and accasional moments of grace) est né des suites d’une chronique, parue aux États-Unis, dans laquelle Ayelet Waldman, mère de quatre enfants et épouse de l’écrivain américain Michael Chabon, expliquait que malgré tout l’amour qu’elle porte à ses enfants c’est de son maris dont elle est amoureuse. Elle expliquait qu’elle n’avait pas reporté l’amour qu’elle porte à son maris sur ses enfants et que, « Dieu l’en préserve », l’un d’eux devait mourir elle pourrait continu à aller de l’avant alors que si son maris devait périr elle en serait sans doute incapable. Cet article lui a valu d’être traitée de mauvaise mère par de nombreuses personnes sur le Web.
En réponse, elle a décidé d’écrire un ouvrage sur le fait d’être mère, d’être féministe et de faire des erreurs. En dix-huit textes elle propose plusieurs réflexions sur la maternité, le féminisme,, les relations avec ses enfants, sa mère et sa belle-mère, l’avortement (qu’elle a vécu), le bi-polarisme (dont elle souffre), l’éducation, l’école et les devoirs, etc. En quelques mots tous ce qui fait une mère et un parent.
Difficile de résumer l’ensemble des réflexions présentée dans cet essai, mais  Bad Mother est agréable à lire, drôle, triste (j’ai personnellement pleuré dans la partie sur l’avortement), intelligent. Certains espoirs et certaines difficultés et peurs de cette mère résonnent avec mes espoirs, difficultés et peurs de père. Si ce n’est le milieu dans lequel Ayelet Waldman évolue (elle est une avocate formée à Haward, son mari est un écrivain célèbre, etc.) qui fait que ses réflexions, bien que souvent de portée universelle, sont teintés par le milieu libérale et aisé dans lequel elle évolue.
Malgré cela, Bad Mother est une lecture passionnante qui m’a profondément touché et que je recommande à tout parent.

Supergods

Grant Morrison est un auteur de comics écossai qui se lance dans un essai sur les supers-héros. Curieux, je me le suis procuré. Grant Morrison propose un historique des comics basés sur sa propre expérience et construit en quatre grandes parties : Golden Age, Silver Age, Dark Age et la Renaissance. Il lie à l’histoire des comics son histoire personnelle dans le milieu.
Difficile de résumer l’intégralité de l’essai, mais il donne une place plus importantes aux héros DC (Superman et Batman notamment) qu’aux héros Marvel. Ceci étant dit j’ai trouvé une partie de l’essai intéressant, mais j’ai l’impression, peut-être fausse, que Morrison parle surtout des comics qui l’ont profondément marqué. La partie sur son parcours personnel est sans doute aussi passionnante pour un fan mais elle m’a laissé un peu froid.
Une impression donc mitigée au final pour un essai qui me semblait très prometteur.

De la voiture au vélo

Bon, lorsque j’ai indiqué les différents ouvrages qui m’intéressaient pour la dernière édition de Masse Critique, j’ai coché l’ouvrage De la voiture au vélo : en route vers le changement. Mon récent achat d’un vélo à assistance électrique n’est pas étranger à ma curiosité.

Ma foi bien mal m’en a pris. Alors certes l’ouvrage se lit vite (une petite heure en lisant tranquille), mais que de poncifs : un chapitre sur les avantages de faire du vélo (de côté sportifs en passant par l’écologie et être tendance), un autre sur les difficultés rencontrées (le mauvais temps, la volonté, le manque d’exercices physiques, etc.), une apologie de bonheur d’être cycliste, un chapitre sur la manière « d’accompagner le changement », un autre sur les profils de cycliste et finalement un chapitre (sans doute le plus intéressant) sur les différents types de vélo.

Ce n’est pas que c’est mauvais mais ce qui m’a agacé c’est que l’ouvrage, écrit par un cycliste convaincu, me semble plus être une apologie du vélo qu’une vraie réflexion sur la mobilité urbaine au XXIe siècle. Et en fait c’est probablement d’un malentendu que surgit ma déception : je m’attendais à une réflexion élevée et sympa sur la pratique du vélo et je me suis retrouvé avec un ouvrage plein de bon sens, partisan et avec un niveau de réflexion un peu simple à mon goût. Dommage pour moi !

Faut-il manger les animaux

Ayant lu plusieurs bonnes critiques sur cet essaie de l’écrivain américain Jonathan Safran Foer, je me le suis procurer en bibliothèque et ai entamé ma lecture me préparant au choc qui me ferait renoncer à la viande.

L’auteur a lui même fait cette démarche lorsque, à la naissance de son premier enfant, il s’est lancé dans une recherche de trois ans pour comprendre comment la viande était produite. L’ouvrage, et sa « conversion » au végétarianisme sont les deux résultats tangibles de sa recherche. Il montre donc, avec un sens de l’écriture très agréable à lire, comment l’élevage industrielle et l’abattage industrielle à produit des animaux malades traités de manière brutal et peu « humaine ». Il discute aussi la manière dont nous construisons des histoires autours de ce que nous mangeons et comment nous effectuons nos choix alimentaires. Il présente également les impacts écologiques de notre consommation de viande.

La lecture de l’ouvrage est, comme je l’ai dis, agréable et ses différentes réflexions portées avec acuités et ouverture d’esprit. J’ai, personnellement, particulièrement apprécié la partie sur la manière dont nous construisons une histoire autours de notre alimentation. Ceci étant dit, je n’ai fondamentalement rien appris de nouveaux en lisant ce livre. Je reste donc, pour le moment encore, omnivore….

Plus spécifiquement, je regrette que l’ouvrage soit centré sur les USA. Je me pose la question, sans obtenir de réponse, si l’agriculture européenne, même avec tous les travers de l’industrie, n’a pas, dans l’ensemble, un meilleur bilan que l’Américaine. Et puis, plus fondamentalement, j’ai un peu l’impression qu’il est impossible de manger de manière « correct ».

En effet, il faudrait ne plus manger de viande, manger des légumes de saisons, mais surtout bio car les produits utilisés pour produire les autres sont nocifs. Ah oui, aussi, de proximité pour éviter le transport, et de production éthique, etc. Au final, chacun doit choisir ses combats; je suis sensibilisé aux problèmes liés à l’alimentation, je suis près à faire des efforts, mais je reste persuadé que rien ne pourra se faire sans une réforme massive du système.

Battle Hymn of the Tiger Mother

Battle Hymn of the Tiger Mother est un ouvrage qui a fait couler beaucoup d’encre Outre-Atlantique et qui a même reçu les honneurs des médias du monde entier. Amy Chua, l’auteure, est une américaine née de parents chinois, mariée à juif américaine, professeure de droit à l’école de droit de Yale et mère de deux filles aujourd’hui adolescente.

Battle Hymn of the Tiger Mother est un texte autobiographique où Amy Chua explique ses principes et méthodes d’éducation « à la chinoise » (même si l’auteure précise bien que ce n’est pas un absolu) en contradiction avec l’éducation occidentale tel que pratiqué par la plupart des parents américaines (et sans doute européens également). Le livre est agréable à lire et le portrait qu’Amy Chua dessine d’elle même n’est pas exempt d’ironie et de trait d’esprit.

Ce qui a fait débat aux États-Unis c’est le modèle éducatif qu’elle prône : les parents sont là pour pousser armer leurs enfants pour le futur. Par conséquent ces derniers doivent consacrer tout leur temps à progresser vers ce but. Il est ainsi hors de questions que ses enfants perdent du temps avec des activités oisives (soirées pyjamas, réunions avec d’autres parents pour jouer, regarder la télé toute la journée, etc.). Selon « l’éducation à la chinoise », les enfants ne doivent être bon, mais les meilleurs. Une bonne note n’est pas suffisante, il faut la meilleur note; la seconde place n’est pas la bonne, la première l’est; une heure de pratique d’un instrument de musique par jour n’est pas une répétition trois ou quatre heure oui, etc.

Dans la manière d’élevé ses enfants, même si elle s’en défend, Amy Chua est une vraie « controle freak » qui veut amener ses enfants à l’excellence. Ce qu’elle arrive à faire; ses deux filles sont de très bonnes élèves, sa fille ainée une pianiste hors-paire qui a déjà donnée plusieurs récitals, sa fille cadette une très bonne violoniste. Mais cette réussite a un prix, Amy Chua n’a laissé aucun répit à ses filles et s’est heurtée violemment à sa fille cadette jusqu’à une adolescence (en cours) particulièrement difficile et qui l’a particulièrement remise en question (elle a même autorisé sa fille a arrête le violon !).

La lecture de cette essaie m’interroge sur ce que je veux pour ma fille (deux ans dans quelques jours) et sur la nécessité de la pousser en avant et de (d’ici quelques années) de lui faire parfois violence pour son propre bien. Mais en même temps, j’ai l’impression que la vision de l’éducation d’Amy Chua est une vision très bourgeoise et élitiste. En effet, si poussé ses enfants vers l’excellence est sans doute une bonne chose, il n’est pas possible pour tout le monde d’être le meilleur et le premier. Et si la « mère tigre » semble penser que c’est à la portée de tout le monde de passer des heures avec ses enfants pour les entrainer et les amener à l’excellence, elle passe totalement à côté du fait que pas tous le monde à les moyens de payer de nombreux cours de musique à ses enfants, que pas tout le monde à les moyens d’avoir une « nanny » parlant le mandarin pour que ses enfants deviennent bilingue, que pas tout le monde à les moyens de maitriser l’ensemble du cursus scolaire et extra-scolaire afin de driller et d’appuyer ses enfants.

En fin de compte j’ai pris grand plaisir à cette lecture et cela me pousse à une réflexion plus globale sur l’éducation que je souhaite donné à ma fille, mais dans le même temps je ne partage pas la vision du monde, la vision d’une « vie réussie » et la vision de classe d’Amy Chua.