La servante écarlate

Avec la sortie de la série TV adaptée du roman de Margaret Atwood La servante écarlate et les évènements politiques actuelles qui font que les thématiques du roman sont en plein dans l’actualité, j’ai eu envie de lire ce classique des littératures dystopiques.
J’ai donc jeté mon dévolu sur la version audio spéciale sortie il y a peu. Elle contient le texte original, une fin étendue et quelques mots de Atwood sur son roman et la situation du monde aujourd’hui.
Ecrit à la base comme la transcription d’un ensemble de cassette retrouvée dans une maison, et poursuivi par une conférence par un historien analysant le document (l’édition spéciale ajoutant une séance de questions/réponses à la conférence), le texte se prête assez bien à l’adaptation audio, qui plus est des extraits musicaux débutes chaque cassette (le texte venant effacer la musique après quelque temps).
La servante écarlate est le témoignage d’une jeune femme dans une Amérique divisées et en guerre dont une partie est devenue une République religieuse. Outre le fait que la science, les comportements libéraux et « déviants » et les croyances et pratiques religieuses « autres » ne sont plus acceptés, le statut des femmes a passablement régressé. Les pollutions, nucléaires et chimiques, ont rendu une partie importante de la population stérile, les femmes montrant des aptitudes à procréer font partie d’une caste de servantes qui sont prêtées à l’élite dans le but d’engendre des enfants.
Le récit montre le quotidien d’une telle servante, en revenant également sur la manière dont la démocratie américaine a disparue et les droits des femmes ont été perdus. La vie quotidienne des femmes y ait évoquées, les privations, les faux privilèges et la résistance également.
La servante écarlate, bien qu’ayant été écrit dans les années 80, est un roman d’une violence inouïe et qui n’a que très peu vieillit. Il a le double mérite de montrer que qu’aucuns droits acquis ne l’aient à jamais et que l’histoire est un grand balancier qui oscillent entre des périodes de plus grandes égalités et des périodes de barbaries. Une lecture, à mon sens indispensable.

Within the Sanctuary of Wings

Dernier tome des mémoires de Lady Trent de Marie Brennan, Within the Sanctuary of Wings clot la série avec la grande découverte de Lady Trent qui modifia la connaissance des dragons et du très ancien Empire draconique.
Toujours écris à la première personne, ce dernier tome se déroule dans l’équivalent imaginaire de l’Himalaya à la recherche du cadavre d’un dragon inconnu découvert dans les glaces. Rapidement séparé de son groupe de rechercher, Isabela Trent passera du temps dans une vallée reculée où elle fera une découverte majeure.
Toujours aussi bien écrit, Within the Sanctuary of Wings termine la série de manière satisfaisante sur des révélations et découvertes qui répondent aux principales interrogations soulevé par la série. Peut-être parfois un peu prévisible, je l’ai trouvé un peu en dessous du reste des romans de la série. Il n’en reste pas moins que c’est une lecture indispensable pour celui qui aime dragons, ère victorienne et aventures.

Wolf Moon

Faisant suite à New Moon, Wolf Moon est le second tome de la série Luna de Ian McDonald. Se déroulant dans un futur proche sur la lune, habitée, vivant sous un régime de contrats où tout est négociable (il ne s’agit pas d’un pays mais d’un conglomérat d’entreprises, et produisant des ressources vitales pour la Terre, la série suit à la fois le destin de la lune et des grandes familles (et des corporations qu’elles contrôlent) qui la dirige. Luna se nourrit de multiples inspirations allant des telenovelas (Dalas sur la lune) en passant par Dune et Le Parrain.
Wolf Moon se déroule dans la continuité du premier tome dont les événements ont modifié l’équilibre du pouvoir sur notre satellite. Difficile de parler de se second tome sans dévoiler l’intrigue et les rebondissements du premier. Je resterai donc évasif. Contrairement au premier tome qui se centre sur le destin d’une famille, le second tome suit d’avantage des individus, déjà croisés dans le premier volume, qui font face aux conséquences des événements de New Moon. Quelques nouvelles têtes sont également introduites dans l’histoire et une partie du roman se déroule sur Terre.
Globalement, Wolf Moon est un cran en dessous de New Moon; comme souvent le sont les tomes du milieux. Les événements continuent d’évoluer sur la lune et les personnages suivis vont en vivre les conséquences et les dangers. Le roman reste néanmoins passionnant et très bien écrit. La société lunaire, son fonctionnement et sa mentalité est rendu avec une précision et une justesse qui la rend réelle.
Au final un très bon roman de transition qui annonce un troisième tome que je suis impatient de lire.

Célestopol

Célestopol est le nouveau recueil d’Emmanuel Chastellière, l’auteur de le village. Il s’agit d’un recueil de quinze nouvelles brossant un portrait de l’histoire de la ville lunaire de Célestopol.
Cité protégée par un dôme, Célestopol est une ville nommément sous le contrôle de la Russie, mais en réalité quasiment indépendante sous la férule du Duc Nikolaï. A la fois histoire steampunk (on va sur la Lune en canon, le selenium lunaire permet d’alimenter des inventions les plus folles, des automates parcourent les rues de la ville), fantastique (un ours qui parle, des esprits) et uchronie (situé au début du XXe siècle, l’histoire du monde est fort différente de la notre).
Le sommaire du recueil peut-être trouvé sur le site de l’auteur, suffit de dire que le lecteur y trouvera des histoires d’aventures, des automates sur le point de se rebeller ou de s’éveiller à la liberté, de citoyens pris dans les machinations du Duc de la ville, de criminelles ou de révolutionnaires…
Les différentes nouvelles sont de bonne facture et agencées dans l’ordre chronologique ce qui donne un panorama de la ville sous le règne du Duc Nikolaï.
Célestopol est une réussite qui propose une ambiance à la croisée de plusieurs genres : steampunk, uchronie, fantastique, aventure…. Personnellement j’en redemande.

Contes d’Écryme

Écryme est un monde de jeux de rôle et de roman créé par Mathieu Gaborit (qui a écrit les romans et le jeux de rôle) et Guillaume Vincent (pour la création de l’univers). Un monde d’îlots et de villes, de traverses (de gigantesques ponts d’aciers) qui les relient, et de l’écryme, une substance corrosive, mystérieuse qui recouvre tous. C’est un monde à l’esthétisme steampunk avec une pointes de fantastiques et de mystères qui fait penser à une version distordues de notre monde.
A l’occasion de la sortie de la nouvelle édition du jeu de rôle, Mnémos et le Matagot ont sortit, en début d’année, une anthologie de nouvelles en l’honneur d’Écryme : Contes d’Écryme.
A côté de Mathieu Gaborit, qui propose ici de nombreuses petites nouvelles, une brochette d’auteurs de qualité (Raphäel Albert, Charlotte Bousquiet, Alexandre Clavel, Fabien Clavel, Estelle Faye, Arnaud Gaugain, Raphaël Granier de Cassagnac, Nicolas Le Breton, Tristan l’Homme, Samuel Metzener, et Franck Plasse) proposent chacun une nouvelle dans le monde d’Écryme.
La plupart des nouvelles sont abordables pour celui qui ne connait pas l’univers, mais elles déploient tous leurs effets à celui qui a déjà pu, par les romans ou le jeu de rôle, arpenter les traverses de cette univers.
Dans tous les cas, Contes d’Écryme est une vrai réussite que j’ai pris grand plaisir à lire.

Seven Surrenders

Second volume de la série Terra Ignota, Seven Surrenders fait suite direct à Too Like the Lightning. Difficile de réaliser une chronique d’un second tome, d’autant plus de passer après l’excellente chronique de Gromovar.
Si le premier tome peut être vu comme un tome d’exposition, à la fois une manière de faire découvrir le monde du 25ème siècle (plus d’état nations, mais il y a des restes, une structure par affinité avec des grands groupes supranationaux, plus de famille nucléaire mais un groupe d’individus proche, un monde en paix depuis près de 300 ans, la Lune habitée et mars en cours de terraformation, une économie dont la colonne vertébrale est un réseau efficace de voitures volantes, …) et de présenter les différents protagonistes de l’histoire en posant une situation de base, le second tome met tous les éléments en mouvement.
Et quel mouvement ! Complots révélations, actions, un vrai feu d’artifice pour un roman qui n’oublie jamais d’être intelligent et bien écrit. Les questions posées sont philosophiquement importantes et vertigineuses : quel est le prix de la paix ? comment gouverner une société hautement technologique ? quel est le poids du passé ? de la religion ? du genre sur nos vies ? ….
Le tout servi par un narrateur parti prenant des événements, ce qui fait que son témoignage n’est ni omniscient, ni omnipotent et pourrait donc bien servir ses propres objectifs. La question notamment de l’existence de miracles est laissé à l’appréciations des lecteurs. D’une certaine manière les deux romans sont à la fois un témoignage « historique », les mémoires d’un des protagonistes et une Bible (au sens religieux) pour le croyant….
La version audio de ce roman est de bonne qualité et très agréable à écouter. Je regrette juste le changement de lecteur (le narrateur restant le même) entre le premier et le second tome.
Bref Seven Surrenders, et le premier tome Too Like the Lightning sont des chefs d’œuvre qui méritent clairement de rentre dans la liste des meilleurs œuvres de science-fiction. Un tome supplémentaire est prévu (et je l’attend avec impatience) mais les deux premiers tomes se tiennent très bien ensemble.

The Heart of What Was Lost

Roman revenant, 25 ans après la publication du premier tome, dans l’univers de la série de l’Arcane des épées, The Heart of What Was Lost se déroule peu de temps après la fin de la trilogie. Si je craignais un peu le retour dans un univers que j’avais apprécier mais dont la lecture des livres remonte au siècle passé, force m’est de constater que The Heart of What Was Lost est non seulement abordable mais de très bonne facture.
Si la lecture de la trilogie de base est utile à la compréhension du roman elle n’est pas indispensable. La situation initiale est assez clairement exposé : une armée « d’elfes des neiges », les Norns (dont l’organisation sociale est inspiré du Japon), est en déroute après avoir tenté de détruire les royaumes humains. Les restes de son armées se regroupent dans leur dernière grande ville afin de résister à l’armée humaine qui les poursuit et qui pourrait les anéantir définitivement.
Le roman alterne les points de vue, passant de la vision des humains à la visions des Norns. The Heart of What Was Lost  est avant tous un roman de guerre qui montre de manière très maitrisée qu’aucun camp n’a le monopole de la peur, de l’horreur, qu’aucun camp n’est « le bon ». Une lecture que j’ai vraiment apprécié, le lecteur de la version audio fait d’ailleurs un excellent travail,  et qui augure du bon pour la nouvelle série se déroulant plusieurs décennies après.

Les Seigneurs de Bohen

Dernier roman en date d’Estelle Faye, Les Seigneurs de Bohen est un roman de fantasy chorale sombre et lumineux à la fois. Le monde de Bohen tire ses inspirations de différentes mythologies (chrétienne, judaïque, indienne, européenne, etc.) et est un monde à l’histoire somme toute classique (la magie est moins puissante aujourd’hui que lors de l’époque du mythique Empire des Wurm, les restes de l’ancien empire sont autant de danger se terrant sur les bords de la civilisation) mais très bien construit.

Le roman décrit les évènements menant à la fin de l’Empire de Bohen. Il suit donc les tribulations d’une sorcière des Havres (la région côtière) ayant le pouvoir de contrôler le sel et qui se rend à la capital afin d’obtenir une entrevue avec l’Imperatrice dont la tache est de maintenir loin des côtes les vaisseaux noirs, menace constante pour les marins et la côte.

Les tribulation de Sainte-Etoile, un aventurier qui partage son crâne avec une créature issue du lointain passé de l’Empire. De retour à Bohen il s’attachera a Sorenz, le chef de guerre hermaphrodite qui ferra trembler l’Empire, et qui est lui aussi un des personnages suivit. Le tribulations aussi d’une change-forme, espionne de l’empereur qui sera à la fois témoin et actrice de la chute de l’Empire.

La vie d’une jeune femme dans le ghetto dont le frère a été banni et qui s’émancipera pour devenir une des leaders de la rébellion dans la capital. Son frère donc qui, avec l’aide d’un jeune clerc envoyé aux mines, ressuscitera une ancienne et puissante magie….

La fantasy d’Estelle Faye est un mélange d’histoires mercenaires sombres, de merveilleux, de vision crépusculaire de la fin d’un Empire, mais aussi de moment lumineux. Le roman a la fin très ouverte (je veux en savoir plus !) a aussi de nombreuses touches de romance et de questionnement de genre. Personnellement j’ai beaucoup aimé à la fois l’écriture, l’histoire et l’ambiance qui se dégage du récit, mais les choix de l’auteur sont à mon avis à la fois à même de faire adorer ou détester Les Seigneurs de Bohen.

Book en Stock, grâce à qui j’ai pu lire ce roman, a une interview en plusieurs parties ce mois de mars sur son site. Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour aller poser des questions à l’autrice.

Norse Mythology

Dernier livre de Neil Gaiman, Norse Mythology est une réécriture en langue moderne des différents mythes nordiques. Le lecteur est ainsi invité à suivre les différents dieux du panthéon nordique : Thor, Odin, Loki, Freya, Balder, etc. dans des aventures qui s’étendent de la création du monde à sa fin, Ragnarök,, voir un peu au delà.

La force de Gaiman est de proposer une version en langue moderne des mythes. Son écritures fluide et son sens de la narration font ainsi merveille et la lecture des différentes mythes nordiques est un vrai plaisir. La version audio est de plus lu par l’auteur lui même qui est un très bon lecteur.

La faiblesse du recueil, si l’on peut parler de faiblesse, est peut-être de n’être justement qu’une réécriture des mythes connus. Le lecteur familier avec les sagas de ces divinités ne trouvera ici rien à ce mettre sous la dent : points de points de vue alternatif, de nouvelles péripéties ou de de version alternatives des mythes. C’est également la force du recueil qui est de proposer une version limpide et agréable à lire des mythes.

Au bal des actifs : demain le travail

Au bal des actifs : demain le travail est une anthologie de douze nouvelles, parue fin février dernier aux éditions La Volte, qui propose le regard de douze auteurs de science-fiction sur la monde du travail.
Arrivé à la fin de la lecture de ce gros recueil (624 pages tous de même) deux constats s’imposent : la qualité des nouvelles est excellente et la vision du travail de demain que le lecteur a au travers d’elles est bien sombre.
La précarité est là dans les nouvelles d’anticipations : comme « Pâles Mâles » de Catherine Dufour qui pousse au maximum la logique d’überisation du travail en suivant une jeune femme qui vit, mal, de petits boulots, mandats peu payés (et parfois assez étranges), ou « Canal 235 » de Stéphane Beauverger  qui suit un gigolo qui a gagné un procès pour viol (comme victime) dans un futur où là aussi précarité, petits-boulots et invasions de la vie privé sont légion. C’est le cas également de « Nous sommes une grande famille » de Ketty Steward où les chômeurs sont suivis à distance et évalués.

Le travail comme finalité ou au service d’une élite dans les dystopies de Karim Berouka, « Nous vivons tous dans un monde meilleur » où monde dirigé par un ordinateur ne tourne que autour du travail, de la traque aux syndicalistes et à l’ascension sociale (par le travail et la conformité), ou de Emmanuel Delporte, « Vertigeo » où il faut monter toujours plus haut en construisant la Tour.

La toute puissance des multinationales dans « La Fabrique de cercueils » de L. L. Kloetzer où des travailleurs traitent, à la chaine, des individus en animation suspendu en vu de leur envoie dans l’espace, ou de « Le profil » de Li-Cam où les multinationales sont devenus de tribus auquel les individus s’identifient complétement.

La gamification du travail, avec une évaluation des individus, est au centre de « coÊve 2015 » de Norbert Merjagnan, et transparait également dans la nouvelle de Karim Berouka.

La créativité est au centre de « Serf-made-man ? ou la créativité discutable de Nolan Peskine » de Alain Damasio qui montre que même dans ce qui semble une Utopie (revenu universel pour tous, automatisation du travail qui libère les individus du travail lui même) la parte de sens et la compétition forcenée des élites est aliénante.

Finalement deux nouvelles qui discutent du travail de l’écrivain même : le très surprenant « Le Parapluie de Goncourt » de Léo Henry qui consiste aux allers retours entre l’écrivain et ses relecteurs et éditeurs pour arriver à la nouvelle en question, et  » Parfum d’une mouffette » de David Calvo qui propose un échange entre un auteur et les différents services de son éditeur dans un futur proche (ou comment mettre en avant le statut précaire de l’auteur sous couvert de la science-fiction).

Au final donc un recueil de qualité, dont le seul défaut est peut-être la vision très sombre sur le devenir du travail et des travailleurs; réalisme, avertissement ou pessimisme l’avenir le dira….