Le Diable au piano

Recueil des nouvelles, dont certaines inédits, de Léo Henry, le diable au piano est une expérience de lecture forte. Les différents nouvelles qui composent ce recueil ont pour thème les écrivains, l’écriture et leurs créations. Se déroulant à divers époques, tantôt pulp, tantôt savant construction littéraire, une chose est sur les nouvelles sont exigeantes et laissent à bout de souffle celui qui les lit (lire le recueil d’une traite, laisse d’ailleurs, je trouve, le lecteur essoufflé et vidé).
Les nouvelles qui m’ont le plus marqués sont :
« Révélations du prince du Feu » une enquête policière mystique, au Brésil, qui voit se côtoyer Blaise Cendrars et Corto Maltese.
« Quand j’ai voulu ôter le masque, il collait à mon visage » une vertigineuse histoire sur Poe et son double, une nouvelle sur les textes et ceux qui les écrivent (peut-être un brin trop savante pour moi).
« Je suis de mon enfance comme d’un pays », probablement la meilleure nouvelle du recueil, un instantané de différents moments de la vie de Saint-Exupéry. La nouvelle m’a laissé au bord des larmes.
« Indiana Jones et la phalange du Troisième secret » propose une aventure du célèbre archéologue. Une nouvelle pulp et pleine d’aventure.
« Kiss kiss, bang bang » est une nouvelle sur James Bond. Il s’agit d’une intéressante réflexion sur le mythe du célèbre espion au travers d’une femme, une des nombreuses, avec qui il a eu une aventure. Déjà paru ailleur, cette nouvelle est, dans sa thématique, étrangement similaire à Skyfall, le dernier Bond en date.
« Fragement retrouvés dans une poubelle de salle de bains, hôtel Venceslau, chambre 604 » est le journal d’écrivain qui, croyant assister à une expérience psychologique, sombre peu à peu dans la folie. Une reflexion sur le syndrome de la page blanche ?
« Les trois livres qu’Absalon Nathan n’écrira jamais ». Situé dans un futur indistinct où les analyses génétiques peuvent déceler le talent, cette nouvelle est une plongée dans la psychés d’Absalon Nathan, un homme dans le comas mais au fort potentiel artistique; se lit comme une fable sur l’écriture.
Les autres textes sont tous de bonne facture, même si certain, comme je le disais plus haut, sont peut être trop riche de références que je n’ai pas. Dans tous les cas, un recueil qui ne peut laisser indifférent.

L’avis d’Efellle.

Rentre dans le cadre du challenge nouvelles et novellas.

Sur le fleuve

Suivre un groupe de conquistadors (un ancien inquisiteur et son secrétaire, un noble espagnol qui finance l’expédition et son épouse indigène, des soldats/mercenaires, un prêtre défroqué (ou pas) un peu fou (ou pas), et des serviteurs indiens) à la recherche de Manoa, El Dorada, bref une cité d’or en remontant le Fleuve; c’est se que propose Sur le Fleuve le dernier roman de Léo Henry et du regretté Jacques Mucchielli.
C’est donc l’histoire de l’expédition qui est comptée. Une expédition qui semble voué à l’échec car un mystérieux indien, gardien de la cité, cherche à les en empêcher. L’expédition se transforme ainsi en un long calvaire où la survie de chaque membre n’est pas garantit.
Narrant aussi bien l’expédition que les tourments de ses participants, Sur le Fleuve est un bon roman qui exploite avec bonheurs les mythes des cités d’or et l’imaginaire des premières expéditions dans le Nouveau Monde fraichement « découvert ».
J’ai eu tous le long de la lecture plusieurs sentiment de « déjà lu » (et ce jusqu’à la fin) sans jamais pouvoir mettre le doigt sur l’œuvre à laquelle ce sentiment se rattachait. Ayant lu un peu sur le sujet qui m’intéresse, j’en conclu que les auteurs ont sut écrire un roman qui synthétise les différents mythes et tropes se rapportant aux cités d’or et aux conquistadors. Un roman, numérique seulement, que je conseil donc vivement.

Bara Yogaï

En commençant Bara Yogaï je me réjouissais de fouler à nouveau les rues de Yirminadingrad grâce à ses sept nouvelles. Et ma fois je suis déçu. En effet, si les sept nouvelles de ce recueil, comme attendu, ne respire pas la joie et le bonheur, elles sont beaucoup plus intimistes que celle du recueil précédant et elles ne se déroulent pas toutes dans la ville de Yirminadingrad.
En y réfléchissant, ce n’est pas tant le ton noir des nouvelles qui m’a déplus, ni le côté intimiste, mais plutôt le fait que les héros de l’histoire ne sont plus les même. Dans Yama Loka Terminus, la ville de Yirminadingrad est le point focal du récit, c’est également le vrai héros de l’histoire, alors que dans Bara Yogaï les vrais héros sont les gens, petits, surtout, ou grands qui peuples les nouvelles. A tout prendre, je préfère quand la ville est le héros.

Yama Loka Terminus

Il y a souvent des livres qui plaisent, souvent aussi des livres qui plaisent moins, et puis parfois des livres que l’on déteste; et puis, trop rarement des livres qui claquent, la rencontre d’une écriture et d’un imaginaire qui, tout en étant compréhensible, est suffisamment neuf pour ouvrir une porte dans la tête. Yama Loka Terminus est de ceux-ci. Je n’avais plus pris une telle claque depuis Perdido Street Station de Miéville.

Peut être d’ailleurs est-il logique que la claque vienne d’une ville, à nouveaux. Léo Henry et Jacques Mucchielli propose, avec Yama Loka Terminus,  un recueil de nouvelle explorant la ville de Yirminadingrad sur les bords de la Mer Noire. Cette grande cité voit se croiser toute une faune d’habitants, locaux et étrangers, et semble attiré la misère du monde. Un monde noir, un brin futuriste avec ses manipulations génétiques et sa technologie parfois un peu en avance, souvent comme la notre en moins bonne état. Un monde à la géopolitique familière et étrangère à la fois. Un Monde enfin où se croise plusieurs religions fanatisées et éclatées et où le fantastique, par petite touche, comme du réalisme magique sombre, est bel et bien présent. Une lecture triste comme une pluie d’automne quoi.

Dans ses différentes nouvelles se croisent des personnes ordinaires; pas de super-héros à Yirminadingrad, mais des héros du quotidien qui font battre l’âme de la cité slave. Merci Au Pendu pour cette magnifique découverte.