Lent de Jo Walton

Sorti en 2019, Lent est le dernier roman publié aujourd’hui de Jo Walton. Il s’intéresse à la vie de Girolamo, en français Jérôme Savonarole, moine dominicain à Florence dans la seconde moitié du XVé siècle.

Lent débute peut de temps avant la mort de Lorenzo de Medici alors que Girolamo, doté du don de voir les démons, exorcise un couvent de nones. Le lecteur suit ensuite sa vie jusqu’à sa mort. C’est là que le roman prend une tournure surprenante digne du film Un jour sans fin.

Pour une raison expliqué dans le roman mais que je tairais ici, Girolamo se retrouve à vivre à nouveau sa vie, mais avec le souvenir des « essais » précédents. Et le roman prend alors son ampleur en proposant divers version de ce qui aurait pu être alors que Girolamo tente de sortir de ces répétitions en gardant Dieu au cœur des ses préoccupations.

Jo Walton donne ici un roman très intéressant qui tourne autour de plusieurs de ses marottes : l’Italie, l’histoire, l’uchronie personnelle, le sens à donner à sa vie. Une vrai réussite.

Pierre-de-vie

Pierre-de-vie est un roman de Fantasy de Jo Walton qui pourrait se décrire comme de la Fantasy domestique. Se déroulant dans un monde où l’écoulement du temps n’est pas le même selon que l’on aille vers l’ouest (où le temps passe très rapidement et la magie ne fonctionne pas) ou vers l’est (où la magie est très puissante et où résident les dieux et déesses).

Toute l’histoire se déroule dans le village d’Applekirk et concerne la famille du seigneur du village. Applekirk  est un village situé dans les Marches, la région centrale du monde là ou le temps passe relativement normalement et où la magie fonctionne de manière « modérée ».

La famille du seigneur vit paisiblement avec un ménage polyamoureux qui fonctionne bien. Cette tranquillité apparente est mise à mal à l’arrivée d’un historient/archéologue de l’ouest et de l’arrière-grand mère du seigneur qui revient de l’est en fuyant la vindicte de la déesse du mariage.

C’est donc le récit des événements qui ont bouleversé Applekirk, avec derrière des enjeux plus importants, qui se trouve ici narré. Pierre-de-vie bénéficie d’une narration qui joue sur les temps avec des allers-retours présent-passé-future qui au premier abord  sont déconcertant mais qui au final donne du charme à l’histoire.

Les thématiques des relations amoureuses fluides, de la religion et de l’harmonie du foyer sont au cœur de cet excellent roman, Walton montre ici qu’une bonne autrice est capable de tirer un récit riche et passionnant d’un pitch qui peu sembler assez banal.

Mes vrais enfants, de Jo Walton, Prix Planète-SF 2017

Oyez ! Oyez ! Bonnes gens.
Mes vrais enfants, de Jo Walton,

est le lauréat 2017 du Prix Planète-SF des Blogueurs.

Il a surpassé, lors de la délibération du jury, les trois autres excellents shortlistés :

Infinités, de Vandana singh
Luna, de Ian McDonald
Planetfall, de Emma Newman
Félicitations à Jo pour cette double uchronie bouleversante. Félicitations aussi à Florence Dolisi pour sa traduction. Félicitations enfin à Denoël Lunes d’Encre pour son soutien ancien à Jo Walton.

Half a Crown

Troisième, et dernier, tome de la série du « Subtile Changement » (et qui sortira cette année en français chez Lune d’Encre), Half a Crown s’éloigne un peu des deux premiers tomes dans le sens qu’il ne s’agit plus d’une enquête policière et que l’action se déroule dans les années 60 (soit une dizaine d’année après les événements des deux volumes précédant).
Suivant la structure établi pour la série Half a Crown alterne une narration à la première personne, ici Elvira, une jeune fille de 18 ans, pupille de Carmichael, sur le point d’être présentée à la Reine et de faire ses débuts dans « le monde » et une narration à la troisième personne qui suit Carmichael, devenu chef de « The Watch », une gestapo à l’anglaise.
Carmichael a monté une cabale à l’intérieur de son organisation afin d’exfiltrer, discrètement, une partie des juifs arrêtés durant les dix années depuis qu’il est à la tête de l’organisation. Alors que le roman débute, il a fort à faire avec l’organisation d’une conférence de paix à Londres qui réunit, notamment, l’Allemagne Nazies, le Japon et le Royaume-Uni pour discuter du futur du monde alors que le Japon et l’Allemagne se partagent les restes de l’URSS qui a perdu sa longue guerre.
Elvira, quant à elle, doit être présentée devant la Reine dans peu de temps, elle se rend avec une amie et son soupirant à un rallye fasciste qui tourne mal suite à une émeute provoqué par des agitateurs qui veulent la démission du Premier Ministre jugé trop mous. Arrêtée, elle est conduite en prison et évite la déportation grâce à l’intervention de son oncle (et ce bien qu’elle soit innocente).
Alors qu’un complot fomenté par l’ex roi qui avait du abdiqué est mis en mouvement, les ennemis « politiques » de Carmichael utilise Elvira pour tenter de lui nuire. Débute alors un jeu dangereux qui risque de couter beaucoup à l’ex-inspecteur.
Prenant à bras le corps son uchronie, Jo Walton traite directement de ce qu’implique la vie sous un régime fasciste/totalitaire, du prix de la résistance et propose une fin légèrement optimiste (ce qui lui a été reproché) à sa trilogie. Bien qu’à mon avis un cran au dessous des deux autres romans du cycle, Half a Crown ne reste pas moins une fin brillante pour une trilogie indispensable.

Hamlet au paradis

Second volume de la trilogie du Subtile Changement, Hamlet au paradis (que j’ai écouté en VO) se déroule peu de temps après le premier tome. L’action se déroule toujours en 1949 dans un Royaume-Unis qui a fait la paix avec Hitler en 1940, écartant Churchil et sa clique du pouvoir. L’Europe est ainsi contrôlée en grande partie par l’Allemagne nazie qui est toujours en guerre avec la Russie de Staline, alors que les États-Unis ne sont jamais entré en guerre et vivent repliés sur eux-même.
C’est donc dans un Royaume-Unis où le fascisme monte peu à peu en puissant que l’inspecteur Carmichael se retrouve à enquêter sur la mort d’une actrice reconnue qui s’est fait exploser chez elle, avec un inconnu, alors qu’elle fabriquait une bombe. L’enquête de Carmichael occupe un chapitre sur deux alors que les autres suit Viola Lark, une jeune femme issue de l’aristocratie mais qui est devenu actrice de théâtre. Viola Lark a une famille un peu particulière, ayant plusieurs sœurs, l’une d’elle a épousé Himmler alors qu’une autre s’est tournée vers le communisme.
Alors qu’elle vient d’accepter le rôle de Hamlet dans une version « inversée » de la pièce, elle est contactée par sa sœur communiste qui va la forcer à rejoindre une conspiration. En effet, lors de la première de Hamlet, le premier ministre et Hitler, en visite diplomatique à Londre, doivent assister à la pièce; une occasion en or de les éliminer grâce à une bombe.
L’enquête de l’inspecteur Carmichael et le récit de Viola Lark, manipulée au début puis de plus en plus consentante, vont donc naturellement se rejoindre. 
 Hamlet au paradis est un excellent roman qui, au delà d’une intrigue passionnante, dépeint avec finesse une société où la montée du fascisme touche tous les citoyens. Jo Walton donne vie à des personnages qui ne sont ni tous noir, ni tous blanc ce qui renforce la puissance de son récit.
Clairement Hamlet au paradis réussit le tours de force d’être, à mon avis, encore supérieur au premier tome de la série.

Le cercle de Farthing

Roman policier se déroulant en 1949, Le cercle de Farthing suit l’enquête de l’inspecteur Carmichael qui cherche le meurtrier de Sir James Thirkie retrouvé dans son lit, poignardé, barbouillé de rouge à lèvre et avec une étoile juive sur le torse. Le meurtre ayant eu lieu dans la résidence de campagne dit de « Farthing » où sont réunis nobles et membres de la bonne société, proche du sommet de l’état, et ce peu de temps avant un vote important à la chambre des lords.
L’enquête de l’inspecteur Carmichael est entrecoupé d’extrait du journal de Lucy, la fille des maitres des lieux qui s’est mariée avec un banquier juif, au grand déplaisir de sa mère, qui se retrouve le suspect idéal, bien que l’inspecteur Carmichael ait des doutes.
Ce qu’il faut savoir c’est que Le cercle de Farthing est également une uchronie dont le point de divergence est le traité de paix signé, grâce au travail de James Thirkie, en 1941 entre le Royaume- Uni et l’Allemagne Nazi. Hitler est donc toujours au pouvoir en Allemagne, la guerre avec l’URSS est encore en cours et les Etats-Unis ne sont jamais entré en guerre.
Dans ce contexte, l’anti-sémitisme et l’anti-bolchévisme sont fort au Royaume-Uni également et la présence d’un juif que tous semble désigné comme le coupable vaut quasiment preuve de sa véritable culpabilité.
Le cercle de Farthing propose une enquête policière aux ramifications politiques importantes, dans une uchronie fascinante et à la fin amer. Le tout est servi par l’écriture de qualité de Jo Walton qui sait également placer l’humain au centre de ses romans.

My Real Children

Dernier roman à ce jour de Jo Walton, My Real Children a été une véritable claque pour moi. Le roman passionnant est bien écris aborde certaines thématique qui font vibrer une corde sensible chez moi (l’impact d’un choix sur une vie, le passage du temps, la perte de la mémoire).
Le roman suit la vie (ou plutôt les vies) de Patricia, une femme née en 1926 et qui, en 2015, depuis la chambre de sa maison de retraite en Angleterre se remémore sa vie; ses vies en fait car avec le grand âge, et la confusion qui va avec, Patricia se souvient de deux vies distinctes : l’une où elle épouse Marc et a quatre enfant avec lui, avant de divorcer et de reprendre sa liberté, l’autre où elle ne l’épouse pas et vit avec une autre femme avec qui elle « aura » trois enfants.
Alors que le lecteur découvre les deux vies de Patricia, dont l’enfance et l’adolescence aux Royaumes-Unis sont identiques, présentées de manière chronologique, c’est deux styles de vie et presque deux mondes différents qui s’offrent à lui. En effet, outre les changements apportés par le choix d’épouser Marc ou non, les deux vies de Patricia se déroulent dans deux uchronies par rapport à notre histoire.
Dans la vie où Patricia épouse Marc, elle devient une femme au foyer qui vit dans une relation conjugale insatisfaisante : rapidement mère de quatre enfants, elle doit faire face à un mari froid et distant qui la déprécie. Peu à peu elle retrouve une autonomie dans la vie associative avant de divorcer, une fois ses enfants grands, et de faire un peu de politique au niveau local. Cette Patricia vit dans un monde en paix où, après l’assassinat de Kennedy (en 1963) dans l’explosion d’une bombe, l’URSS arrive en premier sur la Lune, lançant une course aux étoiles qui aboutira à la création d’une base lunaire et la préparation d’une mission pour Mars, et à une libéralisation beaucoup plus rapide de l’URSS.
Dans son autre vie, Patricia fait sa vie avec une femme, avec qui elle aura, plus tardivement, trois enfants. Là, Patricia vit une vie épanouie entre le Royaume-Uni et l’Italie. Elle se dédie à l’écriture de guides touristiques qui deviennent rapidement des bestsellers. Mais son bonheur conjugal est assombris par un monde beaucoup plus violent : la crise des missiles cubains aboutis à l’oblitération nucléaire de Miami et de Kiev et à une guerre froide beaucoup plus tendue; la course vers l’espace a bien lieu, mais les bases sur la Lune et en orbite sont fortement militarisées.
Les thématiques de My Real Children sont multiples : uchronie, comme nos choix influences nos vies, l’homosexualité, la filiation, la manière dont nous changeons au cours de notre vie, etc.
Magnifiquement bien écrit, My Real Children, comme je le disais au début de ce billet, m’a profondément touché. Il rejoint la liste des meilleurs romans qu’il m’a été donné de lire dans ma vie.
Lu dans le cadre du challenge SFFF au féminin
http://ledragongalactique.blogspot.ch/2014/03/challenge-sfff-au-feminin.html?showComment=1394271167545#c7928591275848414423

Among Others

Roman un peu à la frontière des genres, Among Others est à la fois un roman d’apprentissage, une histoire de magie et un hommage aux ouvrages de Science-Fictions des années septante. Présentant sous la forme d’un journal dont les entrées sont datées de septembre 1978 à fin février 1980, Among Others est un roman où la partie imaginaire doit se lire comme un miroir de l’adolescence et de l’entrée dans l’âge adulte.

Mo a quinze ans, originaire du pays de Galle, elle a perdu sa soeur jumelle dans un accident de voiture. Suite à cet accident, elle fugue et finit par être accueillie par son père, qu’elle ne connait presque pas, et ses trois demi-soeurs. Envoyée dans une école privée, elle y fera l’apprentissage de la maturité et de l’amour.

A cette trame de base, Walton ajoute deux éléments important à l’héroïne de son histoire : un amour de la science-fiction et la connaissance des fées et de la magie. Car en effet c’est de la magie de sa mère que Mo a fuit. L’apprentissage de l’âge adulte et les tourment de l’adolescence sont mis en scène à travers lamage que pratique Mo. Les question éthique de son utilisation, l’abandon de l’idée, enfantine, de contrôler le monde laissant peu à peu place à une vision plus mature.

Ceci étant dit, ce roman fort sympathique me laisse quand même un peu sur ma faim. La fin du roman est intéressante mais, à mon gout, est trope rapidement expédiée. L’utilisation des références tirées de la SF m’a souvent donné l’impression d’un simple étalage ne servant pas tant à mettre l’histoire en abyme qu’à attirer l’amateur de ce genre littéraire. La narratrice fait un bon boulot même si j’ai mis un petit moment à m’habituer à son accent (du pays de Galle ?).