Venomous Lumpsucker de Ned Beauman

Une petite décennie dans le futur, l’humanité est toujours occupée à détruire l’environnement et à réaliser du profit. C’est dans ce contexte que c’est développé une industrie de l’extinction des espèces avec un principe similaire aux crédits carbones : les crédits d’extinction. Toute entreprise qui élimine une espèce doit payer pour le faire, avec un coût en crédits plus important si l’espèce est déclarée « intelligente ».

Bien évidement tout cela sert surtout les intérêts des entreprises et à donner un vernis de bonne conscience à une opération minière, à la construction d’un centre de loisir ou à la réalisation d’une infrastructure de transport. C’est dans ce contexte que se déroule Venomous Lumpsucker, le roman suit Karin Resaint une biologiste qui étudie des espèces en danger afin de déterminer si elles sont « intelligentes » et Mark Halyard un cadre dans une entreprise minière qui revend les crédits de son employeur par dernière dans le but de réaliser un profit.

Resaint étudie une espèce de poisson, le Venomous Lumpsucker du titre, qu’elle va déclarer intelligente lorsqu’une gigantesque opération de piratage informatique va détruire l’ensemble des centres de préservations des espèces en danger. La région où le poisson se trouve a été minée par erreur, le prix des crédits s’envole et Halyard risque la prison pour avoir vendu des crédits qu’il n’a plus les moyens de racheter.

Tous deux, pour des motifs différents, vont alors se lancer dans une recherche désespérée d’un éventuel venomous lumpsucker qui aurait survécu. La traque de ce MacGuffin va être prétexte à se balader dans le nord de l’Europe et montrer ce qu’est le monde de 2030 avec à la clef la révélation des raisons du piratage.

Venomous Lumpsucker est un roman sympathique d’anticipation, mais qui ne révolutionne ni la réflexion sur les thématiques écologiques ni la littérature (de genre ou autre). Bref, au final, un roman qui « fait le boulot » et qui est agréable à lire mais sans plus.

The Teleportation Accident

Ayant eu envie de me laisser surprendre, je me suis lancé dans l’écoute de The Teleportation Accident de Ned Beauman sur la base de quelques bonnes critiques vues sur le Net et à moitié lues. J’ai donc trouvé un roman que je pensais être de la SF, ou du moins du fantastique, et qui est en fait un roman de « littérature blanche » (pour autant que l’expression ait un sens) avec de petites touches de polars et de SF. Au risque de paraitre un peu élitiste, je dirais que c’est tout à fait le genre de petites touches qui fait dire aux critiques classiques que l’auteur a fait une incursion importante dans le domaine des littératures de l’imaginaire, là où le lecteur habitué à ces, mauvais, genres se dit que c’est bien léger quand même.
Mais le roman me direz-vous; et bien il suit les tribulations de Egon Loeser, un décorateur de théâtre allemand raté, frustré sexuellement et envieux de Berlin des années 30 jusqu’en Californie durant la guerre, en passant par Paris, sur les traces d’une belle jeune fille, Adel Hitler (aucun lien de parenté avec le dictateur) qu’il souhaite trousser. Le tout alors que l’Histoire, celle avec un grand « H », se déroule à côté de de Loeser sans que celui-ci y prête aucune attention, englué qu’il est dans ses problèmes personnels.
Divisé donc en trois parties, le lecteur découvre les mondanités un peu vaines du Berlin des années 30, le Paris cosmopolite de l’avant-guerre et la Californie durant la guerre où se croise réfugiés allemands, scientifiques au servie de l’Etat et espions russes. Le roman est également traversé par la figue du dramaturge Adriano Lavicini dont Loeser est un admirateur : l’accident historique semble au centre d’une conspiration mystique, Loeser a été victime d’un accident similaire, bien que moins grave, lors d’une pièce et un physicien américain, obsédé par Lovecraft, effectue des recherches sur la téléportation.
Si le roman est bien écrit et tient le lecteur en haleine (dans mon cas l’auditeur, le narrateur de la version audio, en anglais, est très agréable à écouter), j’ai attendu longtemps le moment où le roman assumerait ses sous-entendus fantastique/SF et basculerait sans que jamais ce moment n’arrive. The Teleportation Accident me fait donc, au final, l’effet d’un acte manqué : un bon roman qui se veut une incursion dans les littératures de genre sans jamais oser assumer son envie, dommage !