Walkaway

Cory Doctorow est un romancier et essayiste canadien qui a, je trouve, des idées et des points de vu très intéressant sur les futurs possibles pour notre présent. Il utilise souvent ses romans afin de développer ses idées (ce qui parfois est plutôt un désavantage car cela se fait au détriment de l’histoire).
Dans Walkaway, il imagine un futur possible (le roman se déroule dans la seconde moitié du XXIe siècle en Amérique du Nord). La surveillance dans la société a augmenté en même temps que la technologie et le travail disponible a diminué en proportion similaire, les plus riches (appelé ici « zotta ») le sont encore plus et s’accroche à leur privilège.
Si une partie de la société vit dans une société aux règles proches de ce que l’on connait aujourd’hui, dans le monde par « défaut », une franche importante de la population prend le large et vit dans les marges d’une société principalement urbaine, utilisant l’informatique et les imprimantes 3D afin de recycler bâtiments et vieux matériaux afin de se construire une vie avec plus de sens et sortir des logiques monétaires et productiviste.
C’est dans ce contexte que trois amis, donc une fille de « zotta » vont prendre le large et rejoindre le « mouvement » Walkaway. Débute alors une historie s’étendant sur plusieurs décennie à la fois chronique de la vie de ces trois personnes (et de quelques personnes rencontrées en chemin) et du devenir de cette société. Pour pimenter le tous Doctorow y ajoute le développement de technologie de scanner cérébraux permettant, timidement tous d’abord, de simuler des individus de manière virtuelle (et donc de « vaincre la mort »).
Walkaway est bien écrit et intéressant à lire, la version audio est de plus bien narrée avec plusieurs lecteurs de qualité. Le roman n’est cependant pas exempt de défaut : sauts temporels dans la narration assez abruptes et réflexions sur la numérisation et simulation de personnalité pas totalement convaincante à mon avis
Il reste néanmoins un roman agréable et aux réflexions intéressantes sur un futur possible.
L’avis de Alias (grand fan de Doctorow).

Information doesn’t want to be free


Cory Doctorow est non seulement un écrivain de science-fiction, mais également un militant qui lutte contre le « verrouillage » d’Internet par les grands groupes économiques. Il a publié de nombreux articles et interviews sur ses question et Information doesn’t want to be free est une synthèse de ses avis sur la question.

 
Présenté comme un ouvrage de conseils aux créateurs afin de comprendre et d’utiliser Internet, l’ouvrage est aussi intéressant pour tous citoyens qui veut comprendre une partie, de plus en plus importante, du monde dans lequel il vit. En effet, Doctorow parle non seulement de création, mais surtout du fonctionnement des systèmes informatiques. Il montre ainsi que les acteurs économiques et étatiques ont parfois intérêt à laisser des vulnérabilités dans les systèmes informatiques (au niveau logicielle mais aussi au niveau matériel) pour pouvoir les exploiter à leur profit. Le problème étant que toute faille finira inévitablement par être découverte et être, potentiellement, exploité à d’autres fins. Cela peut sembler bénin, mais lorsque l’on réalise à quel point l’informatique a envahi notre quotidien, il devient facile de construire des scénarios préoccupants : des pacemakers qui peuvent être hacker et contrôler à distance (déjà fait), des voitures, des systèmes de contrôles de centrales nucléaires, d’avions, etc.
 
Une fois expliqué cela, Doctorow émet trois lois qu’il utilise pour donner des guides dans le monde numérique.
  1. Chaque fois que quelqu’un verrouille quelque chose qui vous appartient sans vous donner la clé, le verrou n’est pas là pour votre propre bien
  2. La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez pas être payé sans elle
  3. L’information ne veut pas être libre, les gens si.
Ouvrage très intéressant, à la fois inquiétant par certains aspects et rassurant dans le sens que Doctorow montre bien que de nombreux créateurs savent utiliser le système pour créer et diffuser leurs œuvres; Information doesn’t want to be free représente un résumé accessible des idées de Doctorow.
 

@ontext

Second recueil, après @content, @ontext réunit plusieurs essais et colonnes de Cory Doctorow parues précédement sur divers endroit du Net (et pour certains en version arbre mort). Doctorow est un fervent défenseur de l’utilisation raisonnée d’Internet, et est également un avocat acharné de la révision des lois de la propriété intellectuelle afin de facilité l’échange de bien culturel via Internet. C’est donc naturellement que les textes réunis ici tournent souvent autour de ses questions.

Les différents essais sont intéressants, mais, je trouve, un cran en dessous du précédent recueil. Je ne suis pas sur de savoir si cela est du au fait que je connais mieux les idées de Doctorow, et donc qu’à la longue il y a un certain nombre de répétions qui amoindrissent la surprise, où si cela est du aux sujets légèrement différents abordés dans le recueil (éducation et Internet, enfants et Internet, le monde de l’édition numérique, Apple et Amazon, etc.).

Il n’en reste pas moins que Doctorow propose toujours des réflexions et des idées salutaires dans un contexte de rigidification législative autours d’Internet et de ses usages. Il a le mérite de montrer que d’autres comportements sont possibles et de faire contre-poids à la voix tonitruantes des médias établis.

A noter que, comme tous ses livres, @ontext est disponible en téléchargement légal sur son site Internet.

Makers

Makers est l’avant dernier roman de Cory Doctorow; comme j’avais beaucoup apprécié Little Brother, je me le suis procuré en version audio et l’ai écouté ces dernières semaines.

Point positif, la lectrice de la version audio est très agréable à écouter et donne vie au roman. Celui-ci narre la vie de deux informaticiens-ingénieurs de génie qui débute par développer des machines à partir de déchets, avant de poser les base d’une nouvelle économie et, une fois l’échec de cette dernière, de développer des parcs d’attraction (rides) en open source et prendre de front l’attaque légal du géant Disney. Une journaliste-blogueuse et deux dirigeants d’entreprise sont également de « l’aventure ».

L’histoire de Makers est un peu fade et je pense que si je ne l’avais pas écouter j’aurais sans doute reposer le roman avant sa conclusion. Ceci étant dit, l’intérêt du roman réside d’avantage dans la vison du future proche qu’il propose : évolutions technologiques (imprimantes 3D, informatique, robots, lutte médicale contre l’obésité), sociales (nouveaux groupes), économiques (open source, mashup, …). A ce niveau là, Doctorow propose une vision intéressante du future et des luttes qui pourraient émergés entre tenant d’une nouvelle économie ouverte sur le monde et les tenants de l’ancienne (l’actuel) doctrine.

Même si l’exercice futurologique est intéressant, Makers manque, à mon goût d’un peu de souffle.

L’avis de Gromovar.

©ontent

©ontent est un recueil d’une trentaine d’articles publiés ici et là par Cory Doctorow. L’auteur est un fervent défenseur de l’utilisation raisonnée d’Internet, et est également un avocat acharné de la révision des lois de la propriété intellectuelle afin de facilité l’échange de bien culturel via Internet.

Les différents textes proposés dans ©ontent tournent donc autour de ces différentes questions. Ainsi, une grande partie d’entre eux critiquent, décortiquent et contextualisent les questions des liens entre copyright et nouvelles technologies, et entre nouvelles technologies et culture . Mais au delà des ces questions, le recueil discute aussi de question comme la singularité, la censure, la lecture sur écran, et les évolutions technologiques de l’informatique et du Net.

Si, on peut discuter de certaines propositions de Doctorow, sa prose incisive et ses réflexions sont non-seulement agréable à lire mais propose une réflexion salutaire sur certaines évolutions de nos sociétés faces à ce qu’on appelle les nouveaux médias. De plus, si vous voulez vous faire une idée du contenu du recueil, butiner quelques articles ou tous simplement lire le recueil sans avoir à le payer : il se trouve en téléchargement légal sur le site de Doctorow.

Little Brother

Little Brother, sorti en 2008, est un 1984 adapté à l’aire du temps : Marcus est un adolescent de 17 ans qui vit à San-Francisco et qui est un petit génie de l’informatique (du genre à monter lui même son PC portable ou a bidouiller les ordinateurs de l’école afin de pouvoir contourner leurs pare-feux). Il mène une vie normale avec sa bande de pote et s’adonne régulièrement à un jeu en ligne qui implique des enquêtes IRL. Lors d’une de ces enquête, Marcus et ses amis se retrouvent au mauvais moment au mauvais endroit. Alors que San-Francisco subit une attaque terroriste digne du 11 septembre 2001, il se fait arrêter par le département de sécurité d’état et après une courte détention et un interrogatoire musclé il est relâché. Il découvre alors que sa ville est devenu un bastion sécuritaire et qu’un de ses amis n’est pas revenu du centre de détention. Il décide alors de lutter contre la privation des libertés en mettant en place un réseau (internet) clandestin de lutte.

Ce roman est bien écrit et tout à fait dans l’aire du temps. La combinaison attentat/terrorisme, « Big Brother », jeunesse et internet/informatique est très bien rendue et l’histoire s’enchaine de manière logique et agréable. Little Brother est narré à la première personne, par Marcus, qui donne régulièrement des explications sur les technologies qu’il met en œuvre; si cela ralentit par moment la lecture, cela en fait également un roman particulièrement abordable puisque les éléments les plus cryptiques sont décriptés pour le lecteur. De plus deux poste-faces, dont une de l’auteur, reviennent sur la génèse du roman et sur la sécurité informatique de manière fort intéressante.

Je ne sais pas comment Little Brother vieillira, mais aujourd’hui c’est sans conteste un roman passionnant à lire dont les thématiques sont de première importance dans nos sociétés contemporaines.

PS : une autre, bonne, critique du roman peut être trouvé chez Gromovar.
PPS : une autre, bonne, critique peut également être lue chez Efelle.
PPPS : et si vous n’êtes toujours pas convaincu : Cory Doctorow, l’auteur, est un fervent défenseur de la liberté de diffusion des œuvres culturelles sur le net. On peut donc télécharge ce roman, et ses autres écrits, gratuitement et en toute légalité depuis son site.