Possession Point

Fan de Léa Silhol, c’est avec plaisir que j’ai appris, il y a déjà quelque temps, son retour à la publication après près d’une décennie de disette.

Après avoir republié l’excellent Contes de la Tisseuse, Possession Point est un roman inédit rattaché au cycle de Frontière. Comme souvent chez Silhol le roman est un fil d’une trame plus grande, mais il fait aussi office de porte d’entrée car il peut se lire de manière individuel (je soupçonne même Possession Point d’être beaucoup plus percutant pour quelqu’un n’ayant pas lu le recueil Musique de Frontière).
Possession Point se déroule à notre époque : des enfants naissent qui sont différents, la population réagit mal et des centres sont créés afin d’isoler ces enfants. Tel de vilains petits canards, ils deviennent des cygnes  à l’adolescence doté d’un magnétisme surnaturel et de pouvoirs magiques. Au vu de leur ressemblance avec les Fays des légendes, ils viennent à porter ce nom. Marginaux, traquées, ils survivent dans les marges de la société et tentent d’aider les leurs.
Le roman, écrit à la première personne, retrace l’histoire d’Anis. Lancé sur les routes des États-Unis à la recherche de la mythique cité de Frontière (où les Fays sont, dit-on, libres et chez eux), elle retrace pour le lecteur les événements qui l’on lancé sur la route. Elle la fille « reg » (humaine) d’un magnat de l’armement, tombée amoureuse d’un Fay. Le roman retrace sont histoire d’amour, les difficultés des Fays et, en toile de fond, la saga de ceux qui seront connus comme les Premiers, les héros de la lutte pour la liberté et la recherche de Frontière.
Possession Point est un bon roman de Fantasy Urbaine, lorgnant plus du côté de Charles De Lint que de la trop souvent insipide Bit-Lit; il est de surcroit superbement bien écrit. Les lecteurs de Silhol auront également le plaisir de retrouver quelques indices déposés au détours des pages qui relie le roman au reste de la trame et à la nouvelle « Vado Mori » dont tous le roman est une extension.
Le roman, imprimé à la demande, peut-être commandé dans n’importe quelle bonne librairie ou se trouver sur Amazon (ne pas se fier au statu, étant imprimer à la demande, Amazon le commandera immédiatement au prés du diffuseur/imprimeur) ou directement sur le site de l’imprimeur.

Avant l’hiver : architectoniques des Clartés

Avant l’hiver est le premier volume d’une série consacrée à Léa Silhol a paraitre aux Moutons électriques. L’objectif de cette collection, bibliothèque des Vertiges, est de lever peu à peu le voile sur la toile silholienne.

Ce premier opus donc, s’intéresse à la structure des cours féériques. Une trame principal, les recherches d’un historien fay (Kelis pour ceux qui connaissent un peu la trame) lie les différentes nouvelles qui constituent ce recueil (mais est-ce bien un recueil). Si la plupart de ces nouvelles sont inédites, un petit nombre sont connues mais prennent un sens nouveau à la lumière des révélations du recueil.

La qualité est au rendez-vous et les aficionados de Léa Silhol, dont je fais partie, seront en territoire connues et devraient être conquis. Pour les autres…. et bien je dirais que la conquête pourrait s’avérer plus dure. En effet, l’ouvrage revient sur de nombreux personnages de la trame silholienne sans forcément prendre le temps de les présenter. Cela ne gâchera en lien la lecture de bon nombre de nouvelle, mais le lecteur béotien risque de se sentir un peu égaré.

Égaré, c’est même ainsi que je me suis senti au début de ma lecture alors que mon cerveau tentait avec peine de situer les personnages dont les noms (je ne suis pas doué avec les noms) ne voulaient pas se fixer sur des évènements. Mais au final mon cerveau a pu y arriver et j’ai pris grand plaisir à la lecture d’Avant l’hiver qui lève le voile sur l’histoire des cours, et ce, même si le voile levé ne fait, parfois, que montrer d’autres voiles plus lointain que l’on voudrait lever mais que l’on ne peut atteindre. Frustration de ne pas savoir plus, et plaisir d’en savoir plus se mêlent ainsi; on se croirait en Ombre.

Babel Tour

Babel Tour est un recueil publié par l’université de Paris Sorbonne et réalisé par des étudiants en Master d’édition. En tant que tel il est difficile de se le procurer et c’est bien dommage. En effet il contient à la fois des nouvelles, des poèmes et des photos sur thème de Babel, soit le double thème de la ville et de la communication.

Ne me voilant pas la face, je reconnais que ma principale motivation pour mettre la main sur cet ouvrage est la présence d’un texte de Léa Silhol en son sein. Et si ma fois ce texte, presque un essaie sur la différence, intéressant, il souffre d’un trop grand travail sur la langue qui en rend plus difficile d’en saisir le sens profond.

Mais surtout, et ,je dois l’admettre, à ma grande surprise les autres textes du recueil vont du bon à l’excellent, du fantastique au réalisme, de la ville moderne à la ville futuriste, et je ne regrette pas mon achat. Je ne peux, au final, que conseiller ce recueil d’excellente qualité à tous ceux que le thème de la ville inspire. Comme je le disais, je crains hélas qu’il soit difficile à se procurer, mais l’effort vaut la peine.

De Brocéliande en Avalon

De Brocéliande en Avalon est une anthologie proposant des nouvelles réécrivant le mythe arthurien en le plaçant à l’époque contemporaine. La majorité des neuf nouvelles de ce recueil ont été créées spécialement pour l’occasion. Ces nouvelles sont, dans l’ensemble, excellentes et agréables à lire.
« Retour sous le hêtre », de Jean Millemann, voit un écrivain prendre des vacances à Brocéliande et rencontrer une mystérieuse femme qui va peu à peu faire revenir des souvenirs anciens à sa mémoire. Ou quand Merlin et Viviane reviennent au XXIe siècle.
« Lancelot aux enfers », de Adam Roy, est une farce absurde où Lancelot se retrouve propulsé dans notre siècle à la recherche de Guenièvre. Le tout alors que deux agents français, parodies de Mulder et Sculy, mènent l’enquête. Objectivement une bonne nouvelle, personnellement je ne l’ai pas appréciés énormément, la moins bonne du recueil.
« Près du mur », de Deirdre Laurin, propulse l’histoire d’amour de Morgane et d’Arthur dans un futur incertain où deux pays, l’un démocratique, l’autre totalitaire vivent une guerre froide. La situation des deux pays me fait penser aux deux Corées dans laquelle une histoire d’amour improbable, reflet du passé prend place.
« Locataires découpés », de Rachel Tanner, voit une vielle Morgane lutter pour ne pas être expulsé de l’immeuble parisien où elle est locataire. Une nouvelle où apparait Merlin et qui est écrite sur un ton comique.
« Owein », de Nathalie Dau, reprend des personnages moins célèbres de la toile arthurienne et les met face à leur mémoire et leur amour.
« L’île close », de Lionel Davoust, nous mène là où les mythes vivent : sur l’île d’Avalon. Là Arthur et ses chevaliers rejouent sans cesse le mythe. Et pour certains d’entre eux la révolte gronde, ils veulent que cela cessent. Une réflexion sur l’imaginaire humain et sur les variations du mythe arthurien.
« Le quadragénaire et la dame d’argent », de Megan Lindholm, met en contacte un descendant de Merlin et une vendeuse de lingerie travaillant dans un grand magasin. Et soudain la magie opère et le quotidien prend une autre saveur… à moins bien sur que tous cela ne soit que le fruit d’une imagination débordante.
« Fort 53 », de Pierre Bordage, rejoue la rencontre ratée entre Perceval et le Graal, sous fond d’une guerre de tranché entre l’Europe chrétienne et le monde musulman. La fin de la guerre est-elle possible ?
« Désaccordé (Tuned in DAGDAD) », de Léa Silhol, pose une nouvelle pièce dans la toile qui éclaire les actions des cours féériques et des anges déchus sous un autre jour tout en étant totalement compréhensible en soi. Perceval, Galhad et Bohort reviennent aujourd’hui, Galhad souhaite vivre sa vie et est devenu un musicien, alors que ses deux compagnons souhaitent reprendre la quête. Sur le coup je suis partiale, j’adore Silhol, mais c’est selon moi la meilleur nouvelle du recueil.
Une bibliographie commentée du mythe arthurien clôt l’anthologie.

Fo/Vea

Ceux qui me connaissent savent que je suis un grand fan de Léa Silhol, j’aime beaucoup la grande trame qu’elle tisse dans ses romans et ses nombreuses nouvelles. Fo/Vea ajoute un nombre substantiel de fils à la trame; fils qui sont aux limites des changements de couleurs de la trame.

A titre personnelle j’ai bien aimé les nouvelles de ce recueil. Elles font des liens entre divers pans de la trame silholéenne, et mettent en lumière des liens nouveaux. Je ne peux néanmoins m’empêcher de penser que la plupart des nouvelles (environs la moitié) sont en partie incompréhensible pour ceux qui ne connaisse pas un minimum l’œuvre de Léa Silhol.

La forme du recueil est également intéressante : il est en effet émaillé de nombreuses photos et puzzles divers. D’après l’auteur, il y a la matière à décoder certain pan de son œuvre. Détestant les codes dont je n’ai pas les clefs, j’ai tactiquement sauté cela afin de ne lire que les nouvelles. Une erreur peut-être, mais ma paix de l’esprit passe par cela.

Musiques de la Frontière

J’adore les romans de Léa Silhol, et j’aime encore plus ses nouvelles. Son écriture est à la fois gracieuse, complexe, évocatrice et me capture à chaque lecture. La semaine dernière j’ai donc eu envie de relire le recueil Musiques de la Frontière.

Au fils des différentes nouvelles de ce recueil émerge l’histoire du peuple Fay. Ces enfants de l’homme, nés à notre époque, enfermé car trop sublime, trop différent, dévoile ici leur histoire : la conquête de leur ville, Frontière, ville hors du temps et de l’espace, la terre promise des Fay que l’on doit trouver avant de pouvoir y entrer; des histoires tragiques, de fureurs, de glamours et de beautés, des histoires d’apaisement, d’amour et de paix retrouvée enfin. Au final une histoire qui se raconte dans ce superbe recueil, devenus, hélas, difficile à trouver.

L’écriture de Léa Silhol puissante et belle convient parfaitement à ces histoires de Fantasy urbaine. Un must pour tous les fan d’imaginaire et de littérature française.