Le Consentement de Vanessa Springora

Récit autobiographique, Le Consentement raconte comme V. (l’autrice) s’est retrouvée, à l’âge de 13 -14 ans, à devenir l’amante de G. (Gabriel Matzneff) un homme de plus de trente ans son ainé (et écrivain à succès qui ne cachait pas son penchant pour les très jeunes filles).

Le Consentement fait le récit glaçant de l’emprise que cet homme avant sur cette jeune femme en décortiquant la manière dont leur « histoire » a pu naitre, s’est développé et s’est finalement terminée. L’autrice montre bien que, à cet âge-là, de consentement, il n’y en a justement point. Elle montre également les mécanismes d’emprise utilisé par Matzneff pour maintenir près de lui des jeunes filles bien trop jeunes.

House of Flame and Shadow de Sarah J. Maas

Troisième, et dernier, tome de la série Crescent City, House of Flame and Shadow conclut la trilogie dans un déluge de pouvoirs et de révélations.

Débutant juste après le tome précédent, House of Flame and Shadow suit les trajectoires des différents protagonistes : Bryce Quinlan se retrouve sur le monde d’où sont originaires les Fays et va découvrir la véritable histoire de son peuple, Hunt Athalar et deux de ses compagnons sont prisoniers des Asteris, d’autres encore sont à Crescent City et tente de survivre comme ils peuvent à la lutte des Asteris pour asservir encore d’avantage les peuples de Midgard.

Le roman va de révélation en révélation et augmente à chaque fois les pouvoirs de ses protagonistes jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de se mesurer aux parasites millénaires que sont les Asteris.

Si on accepte les prémisses de ce type de roman d’Urban Fantasy croisé avec la Romantasy (la grande majorité des protagonistes ont des physiques de modèles, les hommes sont des mâles et les femmes de femelles, ils s’aiment d’un amour marqué par le destin, il y a quelques scènes de sexes crues, etc) et qu’on se laisse porté par l’histoire, la trilogie de Crescent City est dans là-haut du panier. Je la trouve relativement bien écrite, agréable à lire et avec la construction d’un monde très intéressant. Mon seul regret sur ce dernier tome, est l’absence d’un vrai développement du monde d’où sont originaires les Fays ; l’action s’y déroulant prenant place principalement dans des zones non peuplées.

Éste es el Mar de Mariana Enriquez

Éste es el Mar est un court roman de Mariana Enriquez qui interroge le monde des stars tragiques du rock (comme Kurt Cobain ou Sid Vicious) et de leur fans.

Utilisant le fantastique, le roman suit l’histoire d’une esprit dont la mission est de transformer le leader d’un groupe de rock de musicien à légende. L’esprit fait partie d’une sororité dont c’est la mission. Éste es el Mar suit donc les affres d’une tournée mondial et plonge dans les méandres de la musique, des fans et du star systeme.

Le roman est bien écrit et touche juste, j’ai beaucoup aimé.

Tout pour tout le monde de Eman Abdelhadi & M. E. O’Brien

Tout pour tout le monde – Une histoire orale de la Commune (ou Everything For Everyone: An Oral History of the New York Commune, 2052-2072 en VO, version que j’ai lue) est un roman qui sort en mai prochain en français aux éditions Argyll.

Le texte se présente sous la forme d’une collection d’entretiens (menés à la fin de la décennie 2060 début de la décennie 2070 à New York) qui éclairent la manière dont le monde dans lequel aujourd’hui (2024) nous vivons s’est effondré et dont la société s’est reconstruit sur un modèle différent (les Communes).

Centré principalement sur les USA, et New York, l’histoire présentée touche également le reste de monde. Des années marquées par la violence de la fin du capitalisme (guerres internationales, guerres civiles, lutte des classes, etc.) jusqu’à la mise en place des Communes qui remplacent les gouvernements par des assemblées citoyens ancrés dans un cadre local et qui ont permis la mise en place d’un système collectiviste où les besoins de chacun sont garantis et qui redéfini les relations familiales, Tout pour tout le monde brosse un panorama d’un futur violent mais aussi montre qu’une autre société est possible.

Et c’est dans ce sens que Tout pour tout le monde est une lecture très intéressante. En effet, le roman permet de faire voir qu’une autre manière d’organiser la société est possible. Certains trouveront peut-être que les Communes sont utopiques, mais imaginer un monde où les besoins de base de chacun sont garantis, où les relations familiales et amoureuses sont fluides pour refléter les affinités de chacun, et où les individus sont acceptés pour ce qu’ils sont me semble quelque chose d’important et de souhaitable.

House of Open Wounds de Adrian Tchaikovsky

House of Open Wounds est un roman se déroulant dans le même univers que City of Last Chances. Il est indépendant mais suit les mésaventures d’un des personnages du premier roman, un prête d’un dieu de la guérison non-violent et maintenant capable de voir tous les dieux.

Jack, ce n’est pas son vrai nom mais c’est comme cela que tous le monde l’appel, se retrouve catapulté de force dans une unité expérimentale de l’armée palleseen (le peuple s’étant donné comme mission de libérer le monde de l’obscurantisme en éliminant les religions). Dans cette unité médicale, des prêtres qui peuvent pratiquer à condition de soigner les soldats blessés et mourants, le tout sous les ordres d’une nécromancienne qui donne une « seconde vie » aux soldats morts.

L’arrivée dans cet unité médicale va précipiter une cascade d’événements qui mèneront à un final haut en couleur. Dans l’intervalle, le lecteur est invité à suivre une armée en campagne et les péripéties de l’unité médicale expérimentale.

House of Open Wounds est une lecture agréable et un roman de fantasy bien mené.

City of Stairs de Robert Jackson Bennett

City of Stairs, ou La Cité des Marches dans sa traduction française qui sort à la fin février 2024, est le premier tome d’une trilogie de Robert Jackson Bennett. J’ai lu ce livre dans sa version originale (anglaise).

Le monde est divisé en deux nations : Saypur, ancienne colonie d’esclaves du Continent devenu la nation qui domine le monde; le Continent qui jusqu’à il y a une septantaine d’année dominait le monde sous la direction d’un plusieurs divinités. Mais Saypur s’est révoltée et grâce un puissant chef de guerre a tué les dieux. Aujourd’hui, la mention des divinités ou de leurs miracles est chose interdite sur le Continent, et bien que certains de leurs miracles fonctionnent encore (alors qu’ils ne devraient plus, les divinités étant mortes), la plupart des gens se sont résignés à la disparition des divinités et au contrôle du Continent par Saypur.

Alors lorsqu’un historien venu à Bulikov, l’ancienne cité sainte (car lieu où siégeait les dieux), est assassiné, Shara et son « géant » d’assistant, aussi barbare qu’efficace, se rendre dans la cité pour élucider sa mort.

Shara est la petite fille du chef de guerre qui a tué les divinités, la nièce de la puissante ministre des Affaires étrangères, et surtout une espionne, une historienne spécialiste de l’histoire divine du Continent et exilée sur le Contient depuis de nombreuses. À son arrivée à Bulikov, elle va donner un grand coup de pied dans une fourmilière et mettre à jour plusieurs complots à même de changer le cours de l’histoire…

City of Stairs est un roman bien écrit, peut-être un peu long par moment, qui mène tambours battant une enquête aux nombreux rebondissements dans un monde qui fourmille de petites trouvailles fort sympathiques.

Triste Tigre de Neige Sinno

Difficile pour moi de parler de Triste Tigre de Neige Sinno. Il y a eu plein d’articles et de chroniques par des gens qui ont une bien meilleure plume que moi et le sujet très important du livre est sensible. En effet, dans ce texte multi-primé, Neige Sinno raconte et décortique les viols que sont beau-père lui a fait subir entre ses sept et quatorze ans. Elle le fait avec une plume limpide et incisive qui donne à son texte une clarté éblouissante.

Triste Tigre n’est pas le récit détaillé des sévices qu’elle a subit (il y a quelques mentions, mais très peu de détails crus) mais une exploration détaillée, via le récit de sa vie (du début des sévices jusqu’à sa vie actuel au Mexique, en passant par le procès, qui, fait rare et probablement du aux aveux de son beau-père, a vu son agresseur condamné, de plusieurs aspects de la condition humaine.

En effet, le récit est complété par des réflexions sur ce que vit intérieurement une victime et un agresseur. Mes mots sont maladroits, mais le lecteur trouvera dans Triste Tigre une réflexion sur le mal, la perversion, l’humanité, les mensonges qu’on se racontent et bien sur le tabou de l’inceste.

Triste Tigre est percutant, bien écrit et dans une réflexion profonde. Une lecture qui ne me laisse pas sans énormément de choses à réfléchir et des questions sur la part sombre de l’être humain.

Les Filles du Fauche-Dragon de Ferric & McNeill

Pour la sortie du jeu de rôle Gods, l’éditeur Arkhane Asylum Publishing a envoyé aux souscripteurs du jeu (je ne sais même pas s’ils sont disponibles autrement) un roman de Franck Ferric & Graham McNeill et un recueil de courtes nouvelles (quelques pages chaques) des mêmes plumes avec la participation en plus de Justine Niogret et Bastien Lecouffe Deharme. Si les deux ouvrages ne sont pas indispensables, ils sont néanmoins d’une lecture fort agréable.

Ce qui caractérise l’univers de Gods, du Sword Fantasy âpre, c’est l’existence d’objets (souvent des armes) qui contiennent une fraction d’une des nombreuses divinités disparues depuis longtemps. L’autre caractéristique du monde, c’est la présence d’un empire (inspiré de la Rome antique) qui entend son emprise et propage le culte du Soleil noir, le dieu unique.

Le recueil de nouvelles propose de très courts textes (quelques pages seulement) qui sont autant de fenêtres sur un monde de Sword Fantasy. C’est, logiquement, court et bien écrit.

Les Filles du Fauche-Dragon est un roman qui suit la fuite vers l’ouest, dans une région sauvage, d’une jeune fille et de son frère, patricien de l’Empire, de leur garde du corps et d’un trio de femmes guerrières protectrices du royaume qu’ils traversent. La jeune fille transportant avec elle une épée rouillée à qui elle parle et qui lui répond. Le voyage sera mouvementé et pas tous les voyageurs en verront le bout.

Le Talent est une Fiction de Samah Karaki

Samah Karaki est une scientifique en neuroscience, elle utilise donc les différentes publications et découvertes issues de la recherche scientifique pour interroger un objet d’étude : le talent.

Et dans son ouvrage, Le Talent est une Fiction, Karaki cherche à comprendre ce qu’est le talent et comment un individu devient « talentueux ». Elle s’attaque donc également à un ensemble de construction social forte contenu dans ce que nous tous comme société considérons comme le talent (un gymnaste d’exception, un auteur prolifique, un musicien de génie, un peintre, un cuisinier, etc.).

Pour ce faire, elle s’appuie sur les différentes représentations du talent pour montrer que c’est avant tout une construction sociale et que, si les conditions sociales sont réunies, n’importe qui peut être talentueux.

En effet, les différentes études existantes montrent que les différences individuelles (biologiques) ont un effet négligeable sur le développement d’un talent particulier. Dans les bonnes circonstances (bonnes formations, aisance matérielle, connections, opportunités, états d’esprits, culture, structures sociales, etc.) n’importe qui peut développer un talent particulier, que cela soit en musique, peinture, sport, etc.

L’ouvrage explique en détail comment les différents éléments qui forment nos trajectoires de vie peuvent expliquer qu’une personne devienne talentueuse ou pas.

Au final, Le Talent est une Fiction est un ouvrage extrêmement intéressant qui mériterait, peut-être, une suite pour discuter des solutions, individuelles ou sociétales. pouvant favoriser la possibilité pour le plus grand nombre de se développer comme il le souhaite.

En attendant cela, je vais tenter une expérience propre et me mettre à la guitare, souhaitez-moi bonne chance.

Venomous Lumpsucker de Ned Beauman

Une petite décennie dans le futur, l’humanité est toujours occupée à détruire l’environnement et à réaliser du profit. C’est dans ce contexte que c’est développé une industrie de l’extinction des espèces avec un principe similaire aux crédits carbones : les crédits d’extinction. Toute entreprise qui élimine une espèce doit payer pour le faire, avec un coût en crédits plus important si l’espèce est déclarée « intelligente ».

Bien évidement tout cela sert surtout les intérêts des entreprises et à donner un vernis de bonne conscience à une opération minière, à la construction d’un centre de loisir ou à la réalisation d’une infrastructure de transport. C’est dans ce contexte que se déroule Venomous Lumpsucker, le roman suit Karin Resaint une biologiste qui étudie des espèces en danger afin de déterminer si elles sont « intelligentes » et Mark Halyard un cadre dans une entreprise minière qui revend les crédits de son employeur par dernière dans le but de réaliser un profit.

Resaint étudie une espèce de poisson, le Venomous Lumpsucker du titre, qu’elle va déclarer intelligente lorsqu’une gigantesque opération de piratage informatique va détruire l’ensemble des centres de préservations des espèces en danger. La région où le poisson se trouve a été minée par erreur, le prix des crédits s’envole et Halyard risque la prison pour avoir vendu des crédits qu’il n’a plus les moyens de racheter.

Tous deux, pour des motifs différents, vont alors se lancer dans une recherche désespérée d’un éventuel venomous lumpsucker qui aurait survécu. La traque de ce MacGuffin va être prétexte à se balader dans le nord de l’Europe et montrer ce qu’est le monde de 2030 avec à la clef la révélation des raisons du piratage.

Venomous Lumpsucker est un roman sympathique d’anticipation, mais qui ne révolutionne ni la réflexion sur les thématiques écologiques ni la littérature (de genre ou autre). Bref, au final, un roman qui « fait le boulot » et qui est agréable à lire mais sans plus.